Sous-estimation des financements climatiques nécessaires aux systèmes agroalimentaires

En novembre 2024, le Climate Policy Initiative a publié un rapport sur les flux financiers destinés à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation des secteurs agricole et agroalimentaire. Ceux-ci perçoivent en effet moins de 5 % du total des flux financiers climatiques mondiaux recensés en 2019-2020, alors qu’ils représentent environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre.

Les auteurs étudient les besoins d’investissements du secteur, sur l’ensemble de la chaîne de valeur (de la production à la consommation, y compris les déchets), selon deux approches. Une méthode « descendante » (top-down) d’abord, qui estime à plus de mille milliards de dollars par an, jusqu’en 2030, le financement nécessaire pour contenir les émissions de l’agroalimentaire et respecter une trajectoire de réchauffement inférieure à + 1,5°C à l’échelle mondiale d’ici 2050. Une seconde méthode « ascendante » (bottom-up) ensuite, qui permet d’estimer le financement requis pour que chaque pays respecte ses engagements climatiques de l’Accord de Paris (contributions déterminées au niveau national, CDN). Ce besoin s’élèverait au total à 200 milliards de dollars par an, jusqu’en 2030 (figure).

Flux financiers climatiques destinés aux secteurs agricole et agroalimentaire, et estimation des financements nécessaires à l’atteinte des objectifs nationaux et globaux
Source : Climate Policy Initiative
Lecture : « l’écart de financement » (finance gap) correspond à une multiplication par 40 des flux financiers climatiques actuels, nécessaire pour permettre aux systèmes agroalimentaires de respecter l’objectif de 1,5°C en 2050. « L’écart de planification » (planning gap) correspond à la différence entre les financements nécessaires au respect des objectifs nationaux (contributions déterminées au niveau national) et ceux qui seraient nécessaires pour effectivement respecter les objectifs climatiques globaux du secteur.

La comparaison des approches met en évidence une sous-estimation par les gouvernements de leurs besoins de financement climatique pour se conformer aux CDN, mais aussi une sous-estimation de ces engagements nationaux pour respecter l’objectif global de l’Accord de Paris. En effet, les financements destinés aux systèmes agroalimentaires ne représentent que 15 % des besoins exprimés dans les CDN, tous domaines confondus, tandis que ce secteur représente un tiers des émissions. Par ailleurs, les besoins estimés pour atteindre les mille milliards de dollars par an, jusqu’en 2030, requis pour respecter l’Accord de Paris (méthode descendante), sont six fois plus élevés que ceux estimés pour se conformer aux CDN. Les flux financiers actuels (28,5 milliards de dollars en 2019-2020) devraient être multipliés par 40 pour permettre aux systèmes agroalimentaires d’atteindre cette même cible climatique. Selon les auteurs, plus le déploiement des capitaux est retardé, plus les impacts climatiques s’intensifieront et plus le coût sera élevé.

Marie Martinez, Centre d’études et de prospective

Source : Climate Policy Initiative

 

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