Estimer les réductions d’apports azotés nécessaires pour restaurer la qualité des eaux souterraines en Espagne
Un article paru dans Journal of Environmental Management, en avril 2024, s’intéresse aux pollutions azotées des aquifères espagnols et dessine les scénarios permettant de recouvrer leur « bon état ». Dans un premier temps, les chercheurs dressent un panorama des nappes d’eau polluées et de l’utilisation de l’azote en agriculture, au niveau national. 23 % des masses d’eau souterraines (près d’un tiers en superficie) sont en mauvais état : la concentration en nitrates y est supérieure à 37,5 mg/l, et dépasse déjà dans certains cas les 50 mg/l, qui est la norme européenne de potabilité. L’efficacité d’utilisation de l’azote (qui correspond au ratio exports sur apports) est de 52 % et le surplus azoté annuel « brut » associé s’élève à 1,2 million de tonnes. Une fois les émissions atmosphériques retranchées (36 %), le surplus « net » par hectare de SAU atteint quant à lui 24 kgN. Cette valeur moyenne masque de grandes disparités : plus de 100 kgN/ha dans les exploitations d’élevage porcin intensif de Catalogne ou dans les zones d’irrigation intensive côtières, contre 22 (cultures pérennes) à 38 kgN/ha (cultures herbacées) pour les zones de culture pluviale (figure).
Répartition spatiale du surplus azoté lié aux activités agricoles en EspagneSource : Journal of Environmental Management
Dans un second temps, le modèle hydrologique PATRICAL est utilisé pour déterminer, pour chaque masse d’eau polluée, le surplus d’azote maximal compatible avec le recouvrement de son « bon état » et le nombre d’années nécessaires. Les plafonds d’apports d’azote correspondants sont calculés en exploitant des références régionales. Trois scénarios sont ensuite considérés, selon une ambition croissante en matière de réduction des pertes d’azote : 25 %, 50 % et 80 % (associés à des baisses de fertilisation de respectivement 15 %, 30 % et 50 %).
Les auteurs concluent qu’une réduction des apports de fertilisants de 30 % permettrait de restaurer le bon état de 90 % des masses d’eau polluées ou à risque, dans un délai de 6 à 12 ans. Les 10 % restants nécessiteraient une diminution de la fertilisation de plus grande ampleur, jusqu’à 80 % (figure). Plus précisément, la résorption de la pollution des aquifères se fait progressivement, selon leur niveau de pollution et leurs caractéristiques hydrogéologiques : 16 % seraient encore pollués au bout de 6 ans, 13 % au bout de 12 ans et encore 8 % après 18 ans.
Réduction des apports d’azote et des pertes par lixiviation nécessaires pour résorber la pollution aux nitrates des aquifères Source : Journal of Environmental Management
Lecture : pourcentages de réduction des apports (à gauche, « application ») et des pertes (à droite, « pressure ») nécessaires au recouvrement d’un bon état de la masse d’eau considérée.
Les auteurs soulignent que leurs résultats recoupent les objectifs fixés par la stratégie européenne « De la fourche à la fourchette » : diminuer les pertes d’azote de moitié et baisser l’utilisation d’engrais de synthèse d’au moins 20 % d’ici 2030. Pour eux, l’apport principal de leurs travaux réside dans l’intégration des valeurs maximales de surplus azotés (calculées pour chaque aquifère), dans les plans de gestion des bassins hydrographiques.
Karine Belna, Centre d’études et de prospective
Source : Journal of Environmental Management