Crise agricole et insécurité alimentaire à Cuba
Le service de recherche économique du ministère de l’agriculture des États-Unis (USDA-ERS) a publié, en octobre 2024, un rapport consacré à l’insécurité alimentaire à Cuba. Sa situation économique s’est aggravée depuis qu’en 2017, puis 2019, les États-Unis ont restreint les conditions de voyage et les transactions financières vers l’île, provoquant une contraction de l’activité touristique. Ce secteur s’est aussi effondré avec la pandémie de Covid-19, les frontières étant restées quasi fermées jusqu’en novembre 2021. Or, il représentait une part importante de l’activité (10,5 % du PIB en 2019, malgré une première diminution deux années auparavant) et surtout une source majeure de devises étrangères. En parallèle, les exportations cubaines de services médicaux, première source de devises, ont souffert du contexte international et de la suspension de plusieurs partenariats commerciaux en Amérique latine. L’abandon du système monétaire double, en janvier 2021, a déclenché un choc d’inflation majeur : +75 % en 2021, +63 % en 2022 et +48 % en 2023. Enfin, le Venezuela et la Russie, partenaires traditionnels du pays, ont réduit leurs échanges et leurs soutiens, surtout depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.
Dans ce contexte, les importations d’intrants agricoles se sont effondrées, d’autant plus que leurs prix augmentaient. Les importations cubaines d’engrais ont diminué d’un tiers en 2019, sans reprendre ensuite. Entre 2017 et 2021, les achats d’herbicides ont reculé de 80 %, et ceux de fongicides et d’insecticides de 40 %. Le secteur agricole cubain a de plus été frappé par la sécheresse en 2023 et par plusieurs ouragans (2020 et 2022) détruisant plantations, stocks et infrastructures logistiques. Hors canne à sucre, la production agricole aurait diminué d’un quart entre 2017 et 2021 (et de moitié par rapport à 2004 ; figure), et les exportations de sucre auraient été divisées par dix.
Production et consommation cubaines de produits agricoles entre 2000 et 2023 : blé, riz, maïs et viande de poulet
Source : USDA-ERS
Les auteurs du rapport estiment qu’entre une production en recul et la contraction des capacités d’importation, au moins 12,8 % des Cubains sont en situation d’insécurité alimentaire, avec moins de 2100 calories par jour. Ce taux pourrait même atteindre 37,8 % de la population d’après certaines estimations. Ce déficit nutritionnel représente 41 000 tonnes de céréales par an (164 000 tonnes dans l’estimation haute).
Jean-Noël Depeyrot, Centre d’études et de prospective
Source : USDA-ERS
