Femmes et agriculture
La place des femmes en agriculture connaît un intérêt croissant. Ainsi, une équipe italienne a publié en octobre 2024, dans la revue Agricultural and Food Economics, une analyse bibliométrique de trente années de publications scientifiques portant sur l’entrepreneuriat agricole au féminin. Les auteurs notent une nette augmentation du nombre d’articles publiés à partir de 2010 et une diversification des thèmes abordés (figure). Ils identifient aussi quatre sujets émergents : identité de genre en agriculture ; innovation agricole et dynamique de genre ; transmission et rapports sociaux de sexe ; lien entre genre et développement agricole et rural.
Évolution, entre 1993 et 2022, des principaux thèmes abordés dans les articles du corpus sur l’entrepreneuriat agricole féminin
Source : Agricultural and Food Economics
Toujours sur le lien entre genre et développement agricole, un article publié en décembre 2024, dans le Journal of Rural Studies, s’interroge sur la pertinence de retenir le sexe comme variable explicative dans les évaluations d’impact de la « Révolution verte » africaine, au Rwanda. Les auteurs constatent que cela met en exergue les différences entre les exploitations dirigées par des femmes ou par des hommes, mais sans pour autant les expliquer. De façon contre-intuitive, les dispositifs genrés ont de fait accru les inégalités, et renforcé pour les hommes l’accès aux moyens de production et aux responsabilités.
Ce constat est partagé par des universitaires américains (États-Unis et Pérou), dans un ouvrage visant à caractériser l’évolution des recherches sur le genre en agriculture. Partant du constat que ces dernières sous-estiment souvent les dynamiques de pouvoir, ils se concentrent sur les approches sur lesquelles reposent l’élaboration des politiques agricoles et de développement. Une meilleure intégration des enseignements des théories féministes et intersectionnelles devraient, selon eux, réduire effectivement les inégalités de genre. Cet ouvrage s’interroge aussi sur les conditions de recueil et d’analyse des données ventilées par sexe (par exemple, le partage des tâches agricoles ou non, l’accès aux facteurs de production, le contrôle des revenus), pour mieux comprendre les freins à l’entrepreneuriat agricole féminin. Ce sujet fait d’ailleurs l’objet de recommandations dans la note d’Agridées présentée fin novembre (conférence à réécouter). Elle s’intéresse également au poids des stéréotypes de genre dans l’enseignement, un thème repris dans un épisode de La série documentaire (« Près des vaches, loin des machines : les femmes »), consacré à la formation des agriculteurs.
Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective