Les stocks publics de denrées, des leviers de régulation empêchés ?
L’organisation non gouvernementale Humundi a publié en septembre 2024, à l’occasion du Forum public de l’Organisation mondiale du commerce, une note sur les programmes de stocks publics alimentaires (PSP). Ce plaidoyer étayé a aussi fait l’objet d’un webinaire le 3 décembre dernier.
La première partie de la note expose les avantages et limites de ces achats de matières premières agricoles, au moment de leur récolte, à un prix fixe dit « administré ». Ils constituent d’abord un débouché pour la production et garantissent un prix plancher aux exploitants. Ces réserves sont aussi un moyen de lutte contre l’insécurité alimentaire puisqu’elles favorisent l’accessibilité et la disponibilité des denrées. Elles contribuent également à la transformation des systèmes alimentaires lorsque l’achat est conditionné à l’adoption de pratiques agroécologiques ou au regroupement des exploitants au sein de coopératives. Enfin, il existe une corrélation entre le prix des céréales et les niveaux des stocks publics et privés (figure). Ainsi, une crise alimentaire se propage moins lorsque la gestion des réserves contribue à freiner les hausses brutales de prix.
Stock mondial rapporté aux utilisations annuelles et prix international du blé
Source : Humundi à partir de F. Galtier
Les PSP ont aussi des limites : risque de dépendance des opérateurs à la puissance publique, éviction des investissements privés, réorientation de la consommation vers les denrées subventionnées, etc. Dans une deuxième partie, le rapport montre que le recours des États à ces « couteaux suisses de la régulation des systèmes alimentaires » est freiné par l’Accord sur l’agriculture de l’OMC, selon lequel l’achat de denrées doit être conclu au prix du marché. L’achat à un prix administré est considéré comme un soutien à la production et, à ce titre, il relève des aides de la catégorie dite « orange » dont le montant est contrôlé, car elles ont des effets de distorsion. Selon Humundi, qui s’appuie sur les travaux de F. Galtier (Cirad), le calcul par l’OMC du soutien des États repose sur un prix de référence « anachronique par rapport au prix actuel », puisqu’il ne tient pas compte de l’inflation. De plus, le montant de l’aide est calculé par l’OMC selon des modalités qui tendent à surestimer la subvention publique. La note préconise un plus grand accès des pays du sud aux mesures globales de soutien (MGS) additionnelles, qui permettent de surmonter les limitations « oranges » bénéficiant aujourd’hui prioritairement aux pays développés.
Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective
Source : Humundi