Alimentation du futur : quelle place pour les plantes peu valorisées, à fort pouvoir nutritionnel ?
Un article du Journal of agriculture and food research publié en mars 2024 s’intéresse aux contributions potentielles des espèces végétales négligées et sous-utilisées à l’Objectif de développement durable « Zéro faim » (ODD2). Mohammad Talucder du Centre de recherche bangladeshi sur les agricultures du futur et ses collègues soulignent un paradoxe : sur près de 30 000 végétaux comestibles répertoriés, seuls 7 000 sont largement utilisés dans le système alimentaire mondial, maintenant à l’arrière-plan de nombreuses plantes, peu valorisées, ayant pourtant de fortes qualités nutritionnelles et qui pourraient participer à la lutte contre la faim et la pauvreté. Ce manque d’intérêt est multicausal : demande insuffisante, qualités nutritionnelles méconnues ou représentation négative selon laquelle ces végétaux sont des aliments de famine. A la différence de la majorité des études sur le sujet, les auteurs proposent un panorama global de ces espèces négligées, en réalisant une revue de la littérature mondiale à ce sujet qui fait apparaitre la prévalence de la littérature en provenance d’Asie (50 % des publications) et le poids très limité de la recherche européenne (1 %).
La production annuelle d’articles entre 2000 et 2022Source : Journal of Agriculture and Food Research
L’article documente ainsi des centaines d’espèces parmi lesquelles le jicama (Pachyrhizus erosus), visible au Ghana, dont la farine qui comprend des fibres, de la matière grasse et des glucides, pourrait se substituer à d’autres produits ; les fonio (Digitaria exilis), taro (Colocasia esculenta (L.) Schott) et pois de terre (Vigna subterranea L.Verdc.), plantes à haut potentiel nutritif ; le séné laineux riche en magnésium et en potassium, etc. Ces végétaux contribuent à accroître les revenus des producteurs : les auteurs citent les exemples du cupuaçu (Theobroma grandiflorum) et du guama qui ont acquis une valeur sur le marché vénézuélien. Ces végétaux mésestimés fournissent aussi des services aux agrosystèmes : forte résistance aux stress abiotiques, réduction de la dépendance aux intrants, fixation de l’azote (pois bambara). Enfin, ils participent à la préservation de la diversité génétique des plantes : les « variétés parentes sauvages » (Crop wild relatives) des variétés cultivées contribuent en effet à la diversité des espèces, source de développement considérable des agrosystèmes ainsi qu’au réservoir que constitue la biodiversité végétale inconnue à ce jour.
Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective