Politisation de la restauration scolaire et enjeux de justice alimentaire

Paru en août 2023, un dossier de la revue Lien social et Politiques s’intéresse aux mobilisations autour de l’alimentation, « enjeu de justice sociale ». Un des articles porte sur la controverse relative aux menus dans les cantines scolaires en France. Les politistes H. Caune, F. Frasque et S. Persico (Sciences Po Grenoble, université Grenoble Alpes) comparent un premier corpus de 8 000 articles de la presse nationale (Le Monde, Le Figaro et Libération) et un second de 2 300 articles, parus dans la presse régionale (La Dépêche du Midi).

Selon eux, les enjeux de la restauration scolaire gagnent progressivement en visibilité, dans la décennie 2010 (figure ci-dessous). Des hommes et femmes politiques (N. Sarkozy et C. Guéant, M. Le Pen) s’en saisissent, provoquant des pics d’attention et des « tempêtes médiatiques » sur des sujets variés : laïcité et menus halal, viande et repas végétariens, origine de l’approvisionnement, etc. Ils montrent que « la restauration scolaire se prête bien à ces dynamiques de politisation ». En effet, ses enjeux peuvent être mis en relation, comme le soulignent des travaux anciens de S. M. Lipset et S. Rokkan, avec deux « nouveaux clivages » structurant les systèmes politiques européens : identité / multiculturalisme, écologie / productivisme. En contrepoint, les débats au niveau régional sont relativement constants, et portent sur des « questions absentes des radars de la presse nationale » (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog) : organisation des acteurs territoriaux, structuration des filières, etc.

Évolution du nombre d’articles sur les cantines et la restauration collective publiés dans le corpus de presse nationale (2010-2021)
Source : Lien social et Politiques

Dans le même numéro, plusieurs études menées en France et au Québec présentent de nouvelles pistes pour lutter contre les inégalités alimentaires. Certaines sont prosaïques, comme les « frigos collectifs » mis en place par des particuliers et des associations, en marge de l’aide alimentaire aux plus démunis à Montréal. Fragiles, ces initiatives sont aujourd’hui mises à mal par l’inflation. D’autres propositions ont une vocation plus englobante, comme le projet de sécurité sociale de l’alimentation, porté en France – entre autres – par un collectif d’organisations depuis 2019. Enfin, signalons un article sur la vente de maïs chaud dans l’agglomération parisienne. Il apporte d’intéressants éclairages sur l’organisation de l’approvisionnement local de ce commerce de rue dit « ethnique » : contrats avec des céréaliers d’Île-de-France, organisation de la récolte, coûts et prix de vente, etc.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source : Lien social et Politiques

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