La conversion écologique des Français. Contradictions et clivages, P. Coulangeon et al., PUF, 2023

En France, quels sont les ménages qui s’engagent le plus dans la consommation durable ? Qui contribue à préserver l’environnement et qui pollue le moins ? Écrit par quatre sociologues, ce livre s’appuie sur les résultats de l’enquête « Styles de vie et environnement » (SVEN) de 2017, pour élaborer une typologie de l’empreinte écologique selon les milieux sociaux.

Les auteurs montrent que les comportements sont loin d’être toujours alignés avec les déclarations d’intention. Pour ce faire, ils articulent plusieurs niveaux d’analyse. Le premier vise les opinions et attitudes des ménages, et « leur degré d’adhésion aux valeurs environnementales ». Le deuxième concerne les consommations, dans différents domaines : alimentation, équipements électroménagers, pratiques de tri des déchets et d’économie d’énergie, usages de l’automobile. Enfin, le troisième niveau est constitué par les paramètres d’âge, genre, niveau de vie, éducation et lieu de résidence.

Une analyse factorielle met en évidence trois grands clivages dans les réponses des Français, entre des ménages frugaux et d’autres très consommateurs, entre consommation éthique et indifférence aux enjeux environnementaux, entre ancrage local et modes de vie extravertis. Sur cette base, quatre profils se dégagent. Le « consumérisme assumé » concerne 28 % de l’échantillon, notamment des ménages aisés, avec enfants, en maison individuelle. Les « éco-consuméristes » (28,5 %, dont une majorité de retraités) privilégient le confort mais voyagent peu et ont le temps de produire leurs propres aliments, d’aller chez les producteurs, etc. L’« éco-cosmopolitisme » (16,5 %) regroupe des jeunes et des intellectuels vivant en ville, dans de petits logements, mais se déplaçant fréquemment à l’étranger pour leurs loisirs. Enfin, la « frugalité sans intention » (27 %) se rapporte à des ménages modestes, peu soucieux de sobriété, mais polluant faiblement car disposant de ressources limitées.

L’ouvrage a fait l’objet de plusieurs interviews en février 2023. Sur France Inter, dans l’émission La Terre au carré, les auteurs sont interpelés sur le biais que pourrait constituer l’exploitation d’une enquête déjà ancienne. Selon P. Coulangeon, les inflexions et prises de conscience, depuis la pandémie de Covid-19, ne remettent pas en cause « des tendances de long terme, dont on peut imaginer qu’elles se poursuivent ». En revanche, depuis 2017, la norme d’éco-citoyenneté, étudiée par M. Ginsburger (voir une autre émission et un article), se diffuse, avec en particulier la stigmatisation croissante des voyages en avion (flygskam).

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Lien : PUF

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