Trajectoires de transition écologique. Vers une planification dynamique et adaptative des territoires, É. Briche, Quæ, 2023.
Ce livre, publié en décembre 2023, met en évidence les enjeux et les méthodes de la territorialisation des trajectoires d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, telles qu’elles sont prévues par plusieurs textes, à commencer par le Pacte vert européen. L’émergence d’un nouveau paradigme d’aménagement est au cœur de l’ouvrage, qui adopte à plusieurs reprises une approche prospective. Il est le produit de la rencontre entre une tradition planificatrice bien installée dans les territoires français depuis les années 1990 (SCOT, etc.) et l’élaboration de nouvelles trajectoires vers la neutralité carbone.
La première partie précise la terminologie. La « trajectoire » décrit l’évolution d’un système dans le temps, vers des sociétés et des économies décarbonées. La « planification », elle, est « adaptative », parce que tout en fixant un cap, elle donne l’opportunité de réajuster les trajectoires en cas de changements, prévisibles ou non. Cette première partie montre aussi l’harmonisation difficile des stratégies de neutralité (Stratégie nationale bas carbone, etc.), des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et des schémas régionaux (SRADDET). Ces deux derniers types d’outils divergeraient de plus en plus à partir de 2030, tandis que leurs volets adaptation sont peu articulés avec les objectifs d’atténuation.
La seconde partie de l’ouvrage est méthodologique. La géoprospective, dont « la spécificité est d’anticiper les devenirs d’un territoire par la compréhension de ses dynamiques spatiales », permet par exemple d’envisager la territorialisation des stratégies énergétiques et alimentaires, identifiée comme un changement majeur à l’horizon 2050.
Les derniers chapitres appliquent cette approche au Grand Lille. On y voit que l’analyse du « métabolisme territorial » (flux alimentaires et énergétiques) contribue à l’élaboration des trajectoires. Lille et le Nord sont dépendants de l’extérieur pour leur alimentation, consommant deux fois plus de denrées que ce qu’ils produisent. La distance parcourue par les produits importés et exportés y est d’environ 1 000 km en moyenne, flux auxquels s’ajoutent ceux liés aux consommations matérielles occasionnées par la chaîne de valeur.
Bilan des matières alimentaires (boissons exclues), département du Nord, années 2010Source : Quae
À ce « système alimentaire », dont les effets environnementaux sont déplacés dans l’espace, S. Barles propose de substituer des « régimes alimentaires » moins riches en protéines animales, associés à une conversion à la polyculture-élevage biologique avec utilisation agricole des excreta humains. Les sols libérés seraient alors alloués aux énergies renouvelables, en grande partie surfaciques. Pour le Grand Reims, dont la couronne est à prédominance agricole, l’enjeu du SCOT est d’articuler la bioéconomie, les paysages et la viticulture, tout en tenant compte du changement climatique (adaptation et atténuation).
Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective
Source : Quae