Les contradictions de l’Union européenne en matière de pesticides

À l’occasion de la Cop15 Biodiversité, l’émission « Cultures Monde » de France Culture a proposé, début décembre 2022, une série de podcasts consacrés à la biodiversité, dont le dernier épisode s’intéressait aux contradictions de l’Union européenne en matière de pesticides. Le journaliste Stéphane Foucart et Laurent Gaberell, de l’ONG Public Eye, y participaient. À l’issue de 15 ans de procédures judiciaires entre le céréalier Paul François (victime d’une intoxication liée à l’usage du Lasso®) et le fabricant Bayer, le tribunal judiciaire de Lyon a rendu cette décision reconnaissant l’intoxication initiale, mais pas la chronicité de ses effets. Cette décision, et avant elle la prise de conscience des effets de ces produits sur l’érosion de la biodiversité commune, ont favorisé la prise de mesures européennes pour limiter l’usage des pesticides, comme cela avait déjà été le cas avec l’interdiction des principaux néonicotinoïdes en 2018.

Stéphane Foucart estime que la Commission est plus allante que les États membres sur ce sujet. Dans le cadre de la stratégie Farm to Fork, elle a ainsi porté le projet de règlement sur l’usage durable des pesticides (règlement SUR), prévoyant leur réduction de moitié à l’horizon 2030, ainsi que celle des risques associés. Toutefois, face à de nombreux défis, la Commission fait parfois preuve de contradictions. Tout d’abord, selon S. Foucart, les États membres et les industriels profitent des possibilités offertes par la réglementation pour en réduire la portée. En outre, les premiers font preuve d’une stratégie d’influence importante et les seconds d’un intense lobbying. Ensuite, l’Union européenne (UE) autorise la commercialisation des pesticides prohibés sur son sol, principalement à destination de pays comme le Brésil, qui exportent à leur tour des produits agricoles vers l’UE. Selon l’ONG Public Eye, 7 400 tonnes de matières actives interdites sur le sol européen ont été exportées à partir de la France en 2022, en dépit de la loi EGalim. Par ailleurs, le principal levier de financement de l’agriculture qu’est la PAC 2023-2027 ne serait pas dimensionné, selon Stéphane Foucart, pour modifier ces pratiques. Pour lui, il conviendrait d’harmoniser à l’échelle de l’UE l’interdiction d’exporter des pesticides et d’imposer, le cas échéant, à ses partenaires commerciaux, des mesures miroirs afin de garantir la sûreté alimentaire des produits importés sur le sol européen.

Johann Grémont, Centre d’études et de prospective

Source : France Culture

image_pdfimage_print