Éco-pâturage et élevage urbain : acteurs, espaces et marchés

Dans une conférence mise en ligne sur Canal U en août 2024, C. Eychenne (université Toulouse 2) s’intéresse à l’utilisation d’animaux (moutons, chèvres, plus rarement vaches) pour entretenir des espaces verts urbains. Une autre géographe, M. Lagard (université Paris-Est), compare les cas des agglomérations de Paris, Toulouse et Nantes, dans sa thèse publiée en juin.

Le recensement des chantiers d’éco-pâturage confirme un recours croissant à cet « outil d’aménagement » depuis dix ans (figure). Les commanditaires sont très majoritairement des acteurs publics : départements, communes, métropoles, établissements publics. Leurs attentes vont de l’entretien de « marges à reconquérir » à l’animation de zones passantes (parcs municipaux). L’éco-pâturage sert la communication en direction des habitants, ainsi que des objectifs de rayonnement et de marketing territorial. Pour les promoteurs immobiliers, c’est un argument dans le cadre de projets nécessitant une compensation écologique.

Sites d’éco-pâturage dans les agglomérations de Nantes, Toulouse et Paris

Source : thèse de M. Lagard, p.147 et 230. À gauche, total ; à droite, cartes pour 2010-2016-2020.

La demande de nature en ville a précipité la formation d’un marché de prestations, de conseil et de formation. Les entrepreneurs paysagistes se voient confier un chantier sur deux, selon M. Lagard, qui analyse les mécanismes de « segmentation professionnelle ». L’écopastoralisme offre une opportunité de travailler avec les animaux et les personnes en reconversion sont ici sur-représentées. Une approche « commerciale » (tarification d’un service écologique, social et paysager « au m2 ») s’oppose à une démarche dite « paysanne ». Cette nouvelle activité intéresse en effet aussi des éleveurs, dans le cadre de démarches de diversification. Les deux groupes se partagent les chantiers selon « une logique centre-périphérie », les seconds recherchant plutôt de vastes espaces semi-naturels dans la ceinture des villes.

Demeure alors une ambiguïté. Gestion paysagère ou production de viande, quel est l’objectif premier ? À cette question, M. Lagard apporte une réponse tranchée : pour les habitants, manger des animaux auxquels ils se sont attachés est inenvisageable. L’éco-pâturage ne contribue donc pas à la relocalisation des circuits alimentaires. En revanche, C. Eychenne souligne « l’opportunité, pour les collectivités, de devenir de véritables actrices de la gouvernance agricole territoriale », en « accompagnant la constitution d’entités foncières cohérentes », articulant espaces publics et surfaces agricoles.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source : Canal-U et Hal

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