Transmission des exploitations agricoles et installations en région Sud
Une étude réalisée en 2023 par É. Richard-Frève (anthropologue, CREGÉS-Québec), A. Cardona et G. Ollivier (sociologues, INRAE), s’intéresse aux processus de transmission des exploitations dans la région Sud (ex-PACA). Elle fait suite à une enquête sur les parcours d’installation, qui éclairait les principales difficultés rencontrées par les porteurs de projet : accès au foncier, accompagnement administratif, acquisition des compétences professionnelles, etc. Le recueil de récits de vie, la reconstitution de trajectoires et le repérage des freins, à chaque étape, amènent à questionner des notions n’allant pas de soi. Par exemple, qu’est-ce qui est « transmis » dans la relation entre cédant et repreneur ? Des actifs, un patrimoine, des savoirs ou un projet de vie ?
À l’approche de la retraite, les agricultrices et agriculteurs âgés peuvent adopter deux attitudes opposées. Pour certains, dont l’identité personnelle est centrée sur le travail, la retraite est synonyme de mort sociale et ils diffèrent au maximum le moment de partir. Ils vivent mal les procédures administratives, notamment la réception du courrier de déclaration d’intention de cessation d’activité. La décision de céder l’exploitation doit mûrir, et la maladie et le déclin des capacités physiques jouent souvent un rôle accélérateur. Ces agriculteurs ne modernisent plus leur outil de travail et ce désinvestissement nuit à l’attrait de leur exploitation pour les éventuels repreneurs. D’autres au contraire cherchent à anticiper pour « garder le contrôle ». Ils aménagent l’exploitation pour faciliter la transmission (maison d’habitation séparée), s’engagent dans des activités pour rester occupés, etc. Ces postures répondent à deux représentations du métier : la culture du « paysan de souche », et celle de « l’entrepreneur », qui s’opposent sur plusieurs points (rapport au travail, insertion sociale, etc.).
Enfin, l’entrée en relation avec les repreneurs se décompose en huit étapes, dont le rythme et les modalités varient, aboutissant à l’autonomisation du repreneur. Les auteurs identifient les conditions favorisant des transmissions réussies : suivre une formation à la transition, disposer d’une certaine empathie, etc. Ils suggèrent aussi de mener des actions de communication pour « construire une image positive de la retraite » et « casser » celle du « repreneur idéal ».
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
Source : HAL-Inrae