Possible surestimation des pratiques agricoles contribuant à la fois à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique
Environmental Research Letters a publié en janvier 2024 une revue de la littérature sur la contribution des pratiques agricoles à l’adaptation comme à l’atténuation du changement climatique. Les auteurs y analysent 87 articles publiés de 2000 à 2018, provenant de toutes les régions du monde. Ils évaluent la nature et la solidité des preuves apportées de cette double contribution, pour 317 pratiques regroupées en quatre ensembles (gestion de l’eau et des sols, production végétale, agroforesterie, gestion du cheptel) (figure).
Publications, pratiques agricoles et régions géographiques étudiéesSource : Environmental Research Letters
Les auteurs montrent que la majorité des articles (89 %) affirment l’existence de synergies – plutôt que de compromis – entre adaptation et atténuation. Cependant, les preuves apportées pour expliquer ces synergies sont en majorité des données secondaires ou des synthèses de la littérature existante, pouvant conduire à des surestimations du phénomène. À l’inverse, les études concluant à des effets contradictoires reposent plus fréquemment sur des données empiriques de première main ou des modèles. Les publications traitant de l’agroforesterie sont celles qui affirment le plus de synergies entre adaptation et atténuation, et aussi celles avec les plus faibles taux de robustesse des preuves. En revanche, les articles traitant de la gestion du cheptel concluent le plus souvent à un antagonisme entre ces deux objectifs et ils ont un score de robustesse élevé (figure).
Pratiques agricoles en fonction du ratio synergies-conflits des allégations sur l’adaptation et l’atténuation du changement climatique, et de leur score de robustesse des preuvesSource : Environmental Research Letters
Lecture : le graphique représente la relation entre le rapport synergie-conflit et la note moyenne de solidité des preuves. Un ratio synergie-conflit élevé (abscisses) indique un plus grand nombre d’allégations de synergies que d’antagonismes entre adaptation et atténuation, pour une pratique donnée. Une note de solidité des preuves (ordonnées) élevée indique des publications étayées par des preuves empiriques de première main, plutôt que des données secondaires. Les couleurs représentent les principales pratiques agricoles. La taille des points correspond au nombre total de publications portant sur ces pratiques. Par exemple, les pratiques d’agroforesterie (points roses) sont situées en bas à droite du graphique, signalant un ratio synergie-conflit élevé mais un faible score de robustesse des preuves.
L’article met aussi en évidence des biais dans les analyses, tels que l’absence de lien entre émissions de gaz à effet de serre et productivité. Par exemple, certaines étudient la baisse d’intensité des émissions par unité de production mais omettent les augmentations de rendements, qui mènent pourtant à une hausse de la quantité totale d’émissions. Les auteurs montrent également que l’adaptation est principalement étudiée à travers des objectifs de productivité plutôt que socio-économiques ou de biodiversité.
Ils concluent à un besoin accru de recherches et de données empiriques sur la contribution des pratiques agricoles à l’adaptation et à l’atténuation du changement climatique, pour soutenir efficacement les politiques et les pratiques promouvant ces deux objectifs de façon concomitante.
Marie Martinez, Centre d’études et de prospective
Source : Environmental Research Letters