Barrières sociopolitiques à l’atténuation du changement climatique en agriculture
La revue WIREs Climate Change a publié, en novembre 2024, un article sur les barrières auxquelles se heurte la mise en œuvre des actions d’atténuation du changement climatique en agriculture. Pour expliquer la faible efficacité de ces politiques, malgré leur faisabilité technique et économique, les auteurs soulignent le rôle essentiel de facteurs socioculturels, politiques ou institutionnels, souvent négligés (figure).
Potentiel d’atténuation des gaz à effet de serre agricoles selon la prise en compte de différents types de barrièresSource : WIREs Climate Change
Lecture : le potentiel technique d’une politique correspond au niveau d’atténuation atteignable en ne tenant compte que des facteurs physiques et biologiques (ex. stockage de carbone). Le potentiel économique, plus faible, fait référence à l’atténuation qui peut être réalisée en tenant compte des contraintes économiques. La prise en considération des facteurs socio-politiques diminue encore davantage ce potentiel. Le potentiel de marché, minime, est l’atténuation réalisée dans les conditions actuelles ou prévues du marché, englobant les aspects biophysiques, économiques et sociaux.
Dans leur revue de littérature (263 articles), les auteurs repèrent quatre types de barrières sociopolitiques. Premièrement, la diversité des contextes locaux et des normes culturelles peut constituer un frein, par exemple pour l’adoption de techniques de décarbonation de la riziculture en Inde, puisque les femmes ne peuvent manier certains outils pour des raisons religieuses. Deuxièmement, les problèmes de sécurité alimentaire, de redistribution, de coûts et de liberté de choix peuvent entraver la mise en œuvre des politiques climatiques (ex. faible acceptabilité de taxes sur la consommation de viande, perçues comme un empiètement de l’État sur la liberté individuelle dans les pays développés). Troisièmement, les facteurs politiques liés aux stratégies électorales et au lobbying constituent une autre catégorie de barrières, expliquant par exemple l’échec de la tarification des émissions de l’élevage en Nouvelle-Zélande, en raison de manifestations d’agriculteurs. Enfin, les facteurs internationaux tels que les relations commerciales, l’influence des multinationales ou les différences de comptabilité des émissions entre pays, jouent un rôle dans l’acceptabilité des mesures climatiques. Certaines normes environnementales peuvent être rejetées, car considérées comme des obstacles au libre-échange.
Pour surmonter ces barrières, les auteurs suggèrent d’élaborer des politiques minimisant les inégalités découlant des subventions agricoles, et planifiant la transition des emplois. Ils recommandent aussi de prendre en compte les savoirs locaux et le rôle des femmes, dans la conception des politiques. Ils notent enfin l’importance de l’intégration des valeurs sociétales et des normes sociopolitiques dans la formulation des politiques climatiques, et dans la communication sur ces politiques.
Marie Martinez, Centre d’études et de prospective
Source : WIREs Climate Change