Agriculture numérique : la promesse d’un productivisme agricole renouvelé

Un article récent de la revue Natures Sciences Sociétés revient sur la genèse de « l’agriculture numérique » en France et sur l’argumentation employée par ses promoteurs. Cette notion, qui regroupe un large spectre d’innovations technologiques (applications numériques, objets connectés, capteurs, robots, etc.), prend forme au début des années 2010, avec la création de startups spécialisées, l’intensification de la recherche et l’organisation d’événements dédiés. Son institutionnalisation se dessine au début des années 2020, entre autres avec le plan d’investissements France 2030, qui la présente comme un des piliers de la troisième révolution agricole.

À l’instar de nombreuses autres innovations, les auteurs montrent que son adoption nécessite, en amont, une large mobilisation (chercheurs, investisseurs, industriels, agriculteurs, citoyens, etc.), adhérant à la promesse technoscientifique quant aux effets bénéfiques supposés. Les justifications avancées pour promouvoir cette révolution numérique reprennent celles employées pour défendre le productivisme agricole d’après-guerre : crise alimentaire, retard technologique, manque de compétitivité (voir figure). Pour autant, le discours actuel sur l’agriculture numérique renouvelle l’esprit de ce productivisme, en intégrant dans son argumentaire certaines des critiques qui lui étaient auparavant adressées. Tout d’abord, la dématérialisation ouvre la voie à une désintermédiation, replaçant l’agriculteur comme acteur central du changement et offrant plus de transparence aux consommateurs. Ensuite, au volet économique du productivisme historique, le numérique ajoute la prise en compte des enjeux environnementaux (rationalisation des intrants, aide à la transition agro-écologique, quantification de l’empreinte environnementale, etc.) et sociaux (diminution de la pénibilité du travail, allègement des tâches administratives). Il ne s’agit plus seulement de produire plus, mais aussi de produire mieux.

 Construction discursive de la promesse de l’agriculture numérique
Source : Natures Sciences Sociétés

En conclusion, les auteurs s’interrogent sur la concrétisation de certaines de ces promesses : rôle central de l’agriculteur dans cette transformation, diversité des modèles agricoles et alimentaires favorisés, etc.

Jérôme Lerbourg, Centre d’études et de prospective

Source : Natures Sciences Sociétés

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