L. Magnin, R. Rouméas, R. Basier, Polices environnementales sous contraintes , Rue d’Ulm, 2024, 92 pages
Écrit par deux sociologues et un philosophe, cet essai s’interroge sur les difficultés d’application du droit de l’environnement en France. Plusieurs « freins » limitent la portée des polices environnementales, en premier lieu le morcellement institutionnel. Loin d’un corps de règles unifié, les auteurs rappellent qu’existent actuellement 25 polices, renvoyant vers 70 catégories d’agents publics. Depuis le milieu du XXe siècle, « l’étiquette ’’environnement’’ » s’est élargie pour prendre en compte « des nuisances industrielles, de la pêche et de la chasse, jusqu’à la biodiversité, la qualité de l’eau, la pollution de l’air et des milieux ». Elle a aussi « requalifié » des services préexistants (eaux et forêts, installations classées).
Le paysage s’est certes simplifié ces dernières années : procédures administratives d’autorisation sous tutelle du préfet ; procédure judiciaire appliquée par les agents de l’OFB sous l’autorité du procureur, etc. Mais il reste peu lisible et les inspecteurs de l’environnement endossent « successivement des rôles variés », allant du conseil technique à la sanction judiciaire. Les auteurs examinent ensuite les moyens humains et organisationnels dont disposent ces « forces de l’ordre environnemental ». Selon eux, baisse des effectifs et surcharge de travail ne facilitent pas le traitement des infractions. Les arbitrages donnent généralement priorité à la voie administrative et la transaction pénale peut « favoriser une remise en état des milieux plus rapide ».
Le chapitre 3 souligne la diversité des acteurs contrôlés. Les agriculteurs sont particulièrement concernés « parce qu’ils ont adopté des pratiques productives qui se fondent sur la standardisation des milieux » (désherbage chimique, drainage, etc.), « que le droit de l’environnement limite désormais ». La police de l’eau et de la nature devient alors, pour eux, le symbole d’une contrainte bureaucratique.
Le dernier chapitre s’appuie sur une enquête au sein d’un service départemental de l’Office français de la biodiversité (OFB). Il montre l’importance de « l’œil » des agents et la place relative des instruments de mesure, dans la manifestation de l’ordre public environnemental. S’ouvre alors une réflexion sur la pédagogie nécessaire pour donner plus de sens aux mesures de police, en explicitant davantage l’intérêt général qu’elles cherchent à préserver, et en s’appuyant sur des enjeux partagés avec les agriculteurs (érosion des sols, etc.).
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
Source : Rue d’Ulm