Quels impacts d’une transition agro-écologique généralisée de l’Union européenne ?
Le scénario « Dix ans pour l’agro-écologie » (TYFA, développé par l’IDDRI et l’AScA), modélise une transition complète des systèmes alimentaires européens à l’horizon 2050, pour la production (suppression des engrais de synthèse et pesticides) et pour la demande (régimes alimentaires végétalisés). Paru en août 2023 dans Frontiers in Sustainable Food Systems, un article analyse les impacts de cette transition sur la balance commerciale de l’Union européenne (UE) et la sécurité alimentaire des pays tiers. Trois variantes sont comparées à un scénario tendanciel : TYFA-EU (transition de la production et de la demande de l’UE) ; TYFA-EU-Supply (transition de la production uniquement) ; TOGETHER (transition mondiale) (figure ci-dessous).
Dépendance nette aux importations en 2010 (initial) et en 2050, pour chaque scénario simulé et dans chaque région du monde, en pourcentages
Source : Frontiers in Sustainable Food Systems
Les auteurs montrent qu’une transition agro-écologique complète (TYFA-EU) permettrait à l’UE de conserver son niveau d’exportations sans augmenter les surfaces agricoles. L’UE deviendrait alors exportatrice nette de calories et contribuerait davantage à la sécurité alimentaire mondiale (figure ci-dessous). Le reste du monde serait peu impacté, même si les exportations de soja et d’oléagineux des Amériques et du sud-est de l’Asie diminuaient légèrement. En revanche, sans modification des régimes alimentaires européens (TYFA-EU-Supply), les auteurs anticipent une forte augmentation de la dépendance de l’UE aux importations, notamment en fruits et légumes, céréales, huiles et sucre provenant d’Asie, des pays de l’ancienne Union soviétique, d’Océanie, du Canada et des États-Unis. Ce scénario nécessiterait aussi une expansion des surfaces agricoles dans le reste du monde.
Exportations nettes de calories de l’UE en 1986, 2010 (Initial) et 2050 pour le scénario de référence et pour le scénario TYFA-EU
Source : Frontiers in Sustainable Food Systems
Dans le cas d’une transition globale (TOGETHER), l’UE resterait exportatrice nette de calories. Ses exportations contiendraient plus de céréales secondaires, légumineuses, fruits et légumes, sans impact sur sa balance commerciale ou l’utilisation des terres. La production des pays tiers diminuerait, sauf en Inde et en Afrique sub-saharienne où l’adoption de régimes alimentaires plus sains impliquerait une augmentation de la production de protéines animales et des surfaces en prairies.
Les auteurs concluent que la transition agro-écologique de l’UE nécessitera des politiques publiques en matière de régimes alimentaires et de préservation de la compétitivité. Ils préconisent aussi des modifications de la Politique agricole commune, telles que le renforcement des éco-régimes et des critères environnementaux pour le paiement de base, ou la rémunération des services écosystémiques à travers les aides couplées ou les Mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC). L’analyse des impacts économiques de la transition pourra compléter ce travail.
Marie Martinez, Centre d’études et de prospective