Impacts d’une interdiction de la fabrication et de l’exportation de pesticides prohibés dans l’Union européenne
Un rapport publié en avril 2024 par le Réseau européen d’action sur les pesticides (Pesticide Action Network Europe) s’interroge sur les conséquences d’une interdiction, par l’Union européenne (UE), de la fabrication et de l’exportation de pesticides dont l’utilisation est interdite sur son territoire.
Les auteurs rappellent d’abord que l’UE est le premier exportateur mondial de pesticides, avec 714 00 tonnes exportées en 2022, pour une valeur de 6,6 milliards d’euros. Dans cet ensemble, 81 615 tonnes proviennent de 41 produits interdits au sein de l’UE, mais qui peuvent néanmoins continuer d’être fabriqués et exportés. Ces pesticides représentent une menace pour la santé humaine et les écosystèmes des pays importateurs, en particulier pour les pays à revenu faible ou intermédiaire (figure). Ils sont aussi un danger pour les consommateurs européens, en raison des résidus présents dans les denrées importées depuis ces pays.
Importations de pesticides interdits dans l’UE par les pays à revenu faible ou intermédiaireSource : Pesticide Action Network Europe
Pour les auteurs, l’interdiction de la fabrication et de l’export de ces produits aurait un impact faible sur l’emploi dans les 7 principaux pays exportant ces pesticides interdits (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, Hongrie, Espagne). Les métiers de la production et de la logistique seraient les plus exposés. Pour en faire une estimation, les auteurs font l’hypothèse que le nombre d’emplois menacés serait proportionnel à la baisse du chiffre d’affaires résultant de l’interdiction. Selon cette approche, 173 emplois seulement seraient concernés pour l’ensemble de ces pays (figure).
Nombre d’emplois exposés en cas d’interdiction d’exportation de pesticides interdits dans l’Union européenneSource : Pesticide Action Network Europe
S’ils reconnaissent que le risque est réel de voir les pays importateurs se fournir auprès d’autres pays, les auteurs estiment que l’UE a la capacité de les inciter à modifier leurs pratiques. À titre d’exemple, l’herbicide paraquat, interdit d’utilisation en Europe en 2007, a vu sa limite maximale de résidus (concentration maximale autorisée légalement dans les denrées alimentaires) abaissée au niveau le plus bas l’année suivante, rendant de fait quasi impossible toute importation en UE d’aliments produits avec ce pesticide. Pour continuer à accéder au marché européen, 58 pays l’ont banni rapidement à la suite de cette réglementation (Mali, Chili, Vietnam, etc.).
Enfin, les impacts sur les pays importateurs seraient positifs, tant pour la santé humaine que pour les écosystèmes. En effet, selon les auteurs, ces pesticides interdits dans l’UE représentaient jusqu’à 71 % du volume des pesticides agricoles importés depuis l’UE. Les prohiber favoriserait la recherche d’alternatives plus sûres pour la santé et l’environnement.
Johann Grémont, Centre d’études et de prospective
Source : PAN Europe