L’incertitude sur les prix des matières premières pénalise le commerce international

Un article publié dans l’European Review of Agricultural Economics est consacré aux effets de l’incertitude sur le fonctionnement des marchés. Les conséquences des variations de l’offre, de la demande et des prix des matières premières sur les flux commerciaux sont classiquement étudiées, mais des travaux empiriques mettent de plus en plus en évidence le poids de l’incertitude. Elle peut dissuader les investissements de court, moyen et long termes, surtout lorsqu’elle augmente. Les matières premières agricoles sont particulièrement concernées et les auteurs proposent une analyse empirique à partir d’une approche dynamique des marchés, au-delà des équilibres instantanés. Pour ce faire, ils ont développé un modèle vectoriel autorégressif structurel (structural vector autogregressive, SVAR), approche statistique où une variable est régressée en fonction de ses propres valeurs passées et des valeurs passées et présentes des autres variables.

Le commerce international y est représenté par le taux de croissance des exportations et des importations américaines et européennes. L’offre globale est approchée par l’écart de prix entre deux échéances séparées de trois mois sur les marchés à terme, traduisant la perception qu’ont les marchés des stocks disponibles (voir à ce sujet de précédents travaux). La demande, globale ou ciblée, est approchée par les indices de prix des matières premières. Enfin, la volatilité de ces marchés, variance mensuelle du rendement quotidien de ces prix, en reflète l’incertitude (figure ci-dessous). Le modèle SVAR permet une analyse croisée dynamique de ces données, sur l’ensemble des matières premières puis en les désagrégeant.

Commerce extérieur de la zone euro et incertitude sur les marchés des matières premièresSource : European Review of Agricultural Economics
Lecture : le taux de croissance des importations (en haut) et des exportations (en bas) de la zone euro est représenté en noir, l’incertitude sur les marchés de matières premières en rouge, les périodes de chocs (variations supérieures à un écart-type) sont grisées.

Ces travaux montrent que les flux commerciaux sont plus sensibles à un choc d’incertitude qu’aux chocs d’offre, de demande globale et de demande spécifique. Les chocs d’incertitude généraux sur les matières premières entrainent une diminution plus forte et plus durable dans le temps. Ils sont perceptibles plusieurs mois après le choc, sans effet rebond, et conduisent à un effet cumulé bien supérieur (baisse persistante de 2 % des exportations, contre 1 % suite à un choc d’offre). L’analyse ciblée par matières premières confirme ces résultats sur les produits agricoles, en particulier le blé et le maïs. Ces produits se caractérisent par une rémanence nettement plus longue des effets négatifs (près de 10 mois) et par l’absence d’effet rebond (contrairement à l’énergie, sans doute en raison du caractère discontinu et annuel de la production). L’incertitude a donc un poids majeur sur l’économie, que seules de telles approches dynamiques mettent en évidence.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d’études et de prospective

Source : European Review of Agricultural Economics

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