Guerre en Ukraine : analyse des facteurs impactant les variations des prix des matières premières

Dans un article du numéro consacré à l’Ukraine de la Revue d’économie financière, paru en décembre 2022, S. Jean et Y. Jegourel (Conservatoire national des arts et métiers) analysent les effets de la guerre sur les marchés mondiaux de matières premières. L’importance de la production des pays impliqués dans le conflit (figure ci-dessous), pour certains marchés (blé, tournesol, engrais, métaux, etc.), a entraîné une rupture de l’offre au moment du déclenchement du conflit. Les effets ont été immédiats sur les cours, du fait d’une demande peu élastique et d’une capacité limitée d’adaptation de l’offre.

Évolution des prix de matières premières (mars-avril 2022 par rapport à août 2021, base 100) et part cumulée en volume de la Russie, du Belarus et de l’Ukraine dans les exportations mondiales (2020)
Source : Revue d’économie financière

Au-delà de l’observation de ces trajectoires, les auteurs étudient les variables expliquant les répercussions plus ou moins importantes de ce choc d’offre. Ainsi, le niveau des stocks disponibles, notamment pour le blé et le maïs, a constitué un régulateur de la hausse des cours. Ensuite, la segmentation des marchés et le degré de substituabilité physique ou géographique des produits ont permis, dans le cas de l’huile de tournesol, de limiter la flambée de son prix en utilisant d’autres huiles. Les restrictions aux exportations, au-delà de leurs effets directs, ont néanmoins influencé les décisions de certains acteurs, qui ont devancé leurs achats par crainte d’une augmentation des prix et d’un manque de disponibilité des produits. Ces comportements avaient déjà été observés pour le marché du riz à l’automne 2007, lors de la crise financière mondiale. Au-delà de leur impact sur les prix des produits agricoles, par le renchérissement des coûts de production, d’autres produits (ex. gaz naturel intervenant dans la fabrication de l’urée) ont un effet sur les anticipations haussières de la plupart des acteurs impliqués sur les marchés boursiers. Il s’agit pour eux de se prémunir contre un risque ou de tenter de réaliser des profits financiers. Une hausse de l’activité des acteurs dits « non commerciaux » a ainsi été observée sur le marché à terme du blé tendre à Chicago.

En conclusion, les auteurs s’interrogent sur la nature conjoncturelle de ces hausses de prix et sur l’évolution, plus structurelle, des filières de matières premières. Ils posent la question du rôle de la guerre en Ukraine, comme frein ou accélérateur des transitions énergétiques et de l’évolution des stratégies commerciales, qui seront adoptées par les États en matière de sécurité alimentaire. L’ensemble du numéro de la revue a été présenté lors d’une conférence-débat à l’Institut national des langues et des civilisations orientales (Inalco), en décembre 2022.

Amandine Hourt, Centre d’études et de prospective

Source : Revue d’économie financière

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