Impact des cartels sur les prix des matières premières
Le Centre pour la recherche en économie politique (CEPR), un réseau européen de plus de 700 chercheurs en économie, a publié sur son site un ouvrage collectif intitulé : Trade, competition and the pricing of commodities[http://www.voxeu.org/reports/CEPR-CUTS_report.pdf – ce lien n’est plus valide]. Ce livre est composé de 6 contributions distinctes présentées lors d’un colloque organisé à Genève par le CEPR en septembre 2011. Il revient sur les causes des récentes évolutions des prix des matières premières et notamment sur le rôle des cartels sur ces prix.
L’objectif de l’ouvrage est de revenir sur les causes des récentes évolutions des prix des matières premières (produits agricoles mais aussi métaux ou pétrole). Le premier chapitre, rédigé par Steve McCorriston, rappelle les principales raisons invoquées pour expliquer les pics de prix observés depuis 2007 sur la plupart des marchés de matières premières. Mentionnant les développements récents comme la financiarisation, les biocarburants et les politiques anti-compétitives, il revient aussi sur les tendances de long terme, en appelant aux travaux pionniers de Prebysh et Singer sur la dégradation des termes de l’échange, qui voient les prix relatifs des matières premières s’éroder progressivement, tendance qui semble toutefois s’inverser ces dernières années. L’auteur insiste sur le message suivant : la volatilité qui importe est celle perçue par le producteur ou le consommateur, rarement celle du prix mondial. Or, plusieurs imperfections viennent brouiller la relation existant entre ces trois prix. L’originalité de cet ouvrage est de mettre l’accent en priorité sur les distorsions anti-compétitives d’origines privées, notamment les cartels sur les matières premières. L’existence d’oligopoles et d’oligopsones limite déjà les bénéfices à attendre d’une ouverture au commerce international, mais les cartels qui s’accordent sur des volumes ou des prix vont au-delà.
Les chapitres suivants mettent essentiellement l’accent sur l’effet des cartels internationaux sur les prix. John M Connor dresse un panorama des cartels internationaux identifiés (il en référence 8 pour les marchés agricoles entre 2000 et 2010). L’augmentation des cartels référencés témoigne selon lui avant tout de la généralisation et de la mise en œuvre de lois antitrust. En valeur médiane, l’auteur estime à 25% la charge que font peser les cartels internationaux sur les prix (sur la période 1989-2010). Cet impact a du reste surtout concerné les pays développés où sont implantés, pour l’essentiel, ces cartels et où s’orientent leurs ventes (seulement 6% des ventes concernent les pays les moins développés).
Les travaux qui composent les chapitres suivants illustrent ces propos en approfondissant les exemples du caoutchouc, de la banane et de la potasse. L’article de Frédéric Jenny insiste notamment sur l’ambiguïté économique et politique des « cartels à l’export ». Ces cartels, souvent tacitement tolérés, parfois même ouvertement soutenus, monopolisent les exportations d’un pays donné sans intervenir, en théorie, sur le marché intérieur, ce qui explique qu’ils sont souvent peu poursuivis dans leur pays d’importation.
Au final, l’ouvrage appelle à renforcer les règles anti-cartel au niveau national et international. Si une interdiction pure et simple des cartels à l’export paraît difficile à envisager, voire dangereuse, pour les pays en voie de développement qui s’en servent pour percer et être compétitifs sur les marchés mondiaux, des propositions moins radicales sont proposées, notamment dans le cadre de l’OMC.
Pierre Claquin, centre d’études et de prospective