Ergonomie des matériels de pulvérisation et exposition aux pesticides en viticulture

Un article publié en septembre 2021, dans la revue Le travail humain, s’intéresse à l’ergonomie des matériels de pulvérisation utilisés en viticulture. Au-delà des précautions prises dans la phase de mise sur le marché des produits phytosanitaires, et des bonnes pratiques à respecter lors de la manipulation, de nombreux acteurs déplorent une prise en compte insuffisante des logiques qui, sur le terrain, concourent à exposer les travailleurs agricoles aux pesticides (voir à ce sujet un précédent billet). Selon les auteurs, le modèle de « prévention-écran » place entre les produits chimiques et leurs utilisateurs différentes « barrières » (normes, matériels, etc.), mais cet encadrement devrait être complété par une approche instrumentale, attentive aux « besoins réels » des agriculteurs susceptibles d’entraîner des situations d’exposition.

Centrée sur l’utilisation du pulvérisateur dans deux exploitations viticoles, l’analyse repose sur des entretiens de cadrage, des observations filmées des différentes phases de traitement (préparation, épandage, nettoyage, maintenance du matériel), des « entretiens d’autoconfrontation » consistant à faire commenter les enregistrements par l’opérateur, et des mesures (prélèvements de résidus de produits sur le volant et dans la cabine du conducteur). Les résultats mettent en évidence la complexité du travail et « la recherche quotidienne de compromis » par les viticulteurs. Par exemple, lors de l’achat du pulvérisateur, les critères de choix sont « environnementaux, économiques et sociaux » (prise en compte des voisins), mais les enquêtés ne mentionnent pas les enjeux de santé et de sécurité.

Incorporation des produits dans la cuve par le chef de l’exploitation

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Source : Le travail humain

Les auteurs relèvent des défauts de conception et des difficultés d’utilisation, comme par exemple une hauteur de cuve mal adaptée à la tâche de remplissage, ce qui amène à prendre appui sur le bord (illustration ci-dessus). Des aléas et des incidents peuvent aussi entraîner une exposition. C’est le cas d’une buse qui se bouche au cours du traitement, nécessitant le passage de la personne entre les panneaux récupérateurs de produit pour aller la nettoyer. Enfin, des ajustements entre l’opérateur et le matériel, des détournements d’usage, voire des modifications par le distributeur à la demande de l’agriculteur, peuvent aussi être des facteurs de risque.

En définitive, cette étude de cas amène les auteurs à formuler des conclusions plus générales. La conception des équipements paraît « éclatée entre divers acteurs (fabricants, distributeurs, agriculteurs) », cette configuration appelant, selon eux, « une réflexion systémique » sur la conception des outils et sur les réglementations.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source : Le travail humain

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