Un bilan des politiques agricoles brésiliennes
Un article écrit par É. Sabourin et ses collègues, publié en décembre dans Problèmes d’Amérique latine, revient sur les ruptures survenues dans les politiques agricoles brésiliennes entre 2019 et 2022, sous la présidence de J. Bolsonaro. Les auteurs mobilisent des premiers bilans de cette mandature réalisés par des chercheurs. En premier lieu, les dispositifs de soutien à la petite agriculture familiale ont été fragilisés. M. Temer (2016-2019) avait déjà, auparavant, supprimé le ministère du développement agraire et ses moyens d’intervention. Son héritier, le secrétariat à l’agriculture familiale, a lui été réintégré au sein du ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de l’Approvisionnement (MAPA) par le gouvernement Bolsonaro, mais avec pour conséquence l’abandon du soutien aux communautés traditionnelles.
En deuxième lieu, les règles qui s’appliquent aux produits phytosanitaires ont été assouplies. Actuellement, 4 644 sont autorisés et 1 560 autorisations ont été délivrées au cours de la seule mandature (475 en 2019, 493 en 2020, 562 en 2021 et 30 dans les trois premiers mois de 2022). 16 produits sont jugés très toxiques et 11 associés à des maladies chroniques. Ensuite, les décisions d’autorisation de nouveaux pesticides ont été transférées de l’Agence nationale de surveillance sanitaire et du ministère de l’environnement vers le MAPA. De plus, le projet de loi 4166/2012 a autorisé la production de génériques dans le pays, sans contraindre les entreprises à respecter les mêmes critères de qualité que les fabricants d’origine. Selon les auteurs, ces mesures ne satisfont pas nécessairement les professionnels de l’agrobusiness parce que certains, sensibles aux normes des marchés européens et japonais, ont réalisé de réels efforts de qualification et de traçabilité des produits (voir un précédent billet sur la mise en œuvre de dispositifs agroenvironnementaux par des entreprises sud-américaines).
Une dernière politique significativement transformée concerne la constitution de réserves de céréales. Par exemple, en 2021, le Brésil a produit 11 millions de tonnes de riz et en a importé 1,1 million. Les 537 500 tonnes non consommées ont été stockées par les grossistes et les détaillants, sachant que les prix de vente ont ensuite été fixés par les marchés, au bénéfice de ces acteurs. Ce mécanisme a contribué à une hausse de 20 %, en moyenne, du prix du panier alimentaire de base (lait, haricots, riz, légumes, pain, fruits, manioc), et donc à l’augmentation de l’insécurité alimentaire dans le pays (figure ci-dessous).
Évolution du produit intérieur brut (PIB) de l’agrobusiness au Brésil et des niveaux de sécurité et d’insécurité alimentaires, entre 2004 et 2021
Source : Problèmes d’Amérique latine
Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective
Source : Problèmes d’Amérique latine