Instagram, les influenceurs et l’alimentation

Comment les enjeux alimentaires sont-ils représentés sur les réseaux sociaux numériques ? Plusieurs productions récentes répondent à cette question, à propos d’Instagram, application de partage de photographies et de vidéos conçue pour les smartphones. Prisé par les jeunes, le réseau revendique aujourd’hui un milliard d’utilisateurs à travers le monde.

Sur Arte, un documentaire retrace l’histoire de l’entreprise, de son lancement en 2010 à la controverse de 2021 sur ses effets délétères sur le bien-être des adolescents. Les rouages du marketing d’influence et du ciblage publicitaire sont expliqués, ainsi que la place croissante prise par l’application dans la construction des identités et des distinctions sociales, transformant la mode, le rapport au corps, l’industrie touristique, etc. Les pratiques alimentaires sont concernées, avec le food porn, présentation obscène de nourritures excessivement grasses et caloriques. Le sociologue D. Boullier y voit « une logique de l’excès » qui exacerbe « certaines qualités » des aliments « au risque de la saturation », tandis qu’un restaurateur utilisant Instagram explique en quoi consiste son travail de communication (veille sur les tendances, préparation des photos de plats, etc.).

Le livre Food Instagram présente, lui, une quinzaine d’utilisations de l’application permettant, à partir de produits alimentaires, d’affirmer une identité de groupe, d’influencer les consommateurs ou de prendre position dans le débat public. Signalons, entre autres, des éleveurs australiens vantant les conditions de vie de leurs animaux (happy meat), des Israëliens réunis autour du houmous (@hotdudesandhummus) et la communication de leaders politiques se servant de la comfort food pour se présenter comme proches du peuple.

En France, un article met en évidence la perméabilité des instagrameuses fitness aux recommandations du Programme national nutrition santé. Ce résultat peut être confronté à des travaux sur les influenceurs de Youtube, mentionnant au contraire des décalages inquiétants entre conseils de régime et préconisations officielles (voir un précédent billet). Une autre étude s’intéresse aux relations entre une influenceuse débutante et une entreprise de compléments alimentaires. L’auteur y décrit la marchandisation d’une activité de loisir sur les réseaux sociaux et les ambiguïtés entretenues sur la nature du travail ainsi fourni, lequel est d’ailleurs difficile à quantifier. Le système de rétribution (coupons de réduction, bons d’achat) entraîne la jeune femme vers des consommations nouvelles, mais son partenariat avec l’entreprise est également source de reconnaissance et d’insertion. Enfin, un dernier article s’intéresse aux prescriptions écoresponsables (zéro déchet, produits alimentaires saisonniers, etc.). Il campe des instagrameuses « en tension entre refus du monde marchand et nécessité de dégager une rémunération », attachées à leur « authenticité », justifiant le sponsoring par leur « travail de vérification ».

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Sources : Arte, University of Illinois Press, Études de communication, Travail et emploi, Réseaux

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