Manger healthy : la mise en scène de l’alimentation quotidienne sur YouTube

Comment les médias sociaux contribuent-ils à remodeler les représentations et les pratiques d’une alimentation saine ? La thèse de Maxime David (université Le Havre Normandie) éclaire cette question en s’intéressant aux vidéos qui mettent en scène des régimes healthy sur le YouTube francophone. Elle s’appuie sur des entretiens, les réponses à un questionnaire et l’analyse d’un corpus de vidéos.

L’auteur met en évidence la dimension genrée de ces vidéos, principalement mises en ligne par des « influenceuses » et consultées par des jeunes femmes. Celles-ci y recherchent modèles et « inspiration », au moment où elles s’éloignent du foyer parental et s’autonomisent. Les vidéos ont aussi une dimension informative, prescriptive, et elles reprennent souvent des schémas manichéens avec de « bons » aliments à conserver et de « mauvais » à bannir (viande, lait, etc.). Certains éléments sont systématiquement présents (smoothies, graines de chia, produits détox, etc.), d’autres sont propres à des niches (ex. shakers protéinés des fitgirls). Une quantification nutritionnelle (méthode SU-VI-MAX) de 353 repas, répertoriés dans 98 vidéos, révèle un décalage très important avec les recommandations en faveur d’une alimentation saine (tableau ci-dessous). Les régimes végétariens sont souvent mal construits, en dessous des apports énergétiques recommandés.

Analyse nutritionnelle des vidéos taguées « Une journée dans mon assiette »

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Source : M. David (p. 331)

L’étude met en évidence un éloignement des schémas traditionnels (repas pris en commun, etc.) et une vision fonctionnelle de l’alimentation, sous influences américaines. Derrière un souci affiché de naturalité et de contrôle, l’auteur relève des paradoxes (recours fréquent aux compléments alimentaires) et « un désir moins assumé : la volonté de mincir ». Il observe également que YouTube peut servir de levier d’apprentissages, voire de relai des préconisations officielles (à ce sujet, voir un autre article).

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source : HAL

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