Quels effets d’une taxation des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture ?

Dans un article publié en août 2025 dans la revue Ecological Economics, des chercheurs étudient les effets de différents dispositifs de taxation des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole sur la production et la consommation alimentaires, le commerce, les émissions de GES et le revenu des ménages.

Les auteurs utilisent deux modèles : CAPRI, qui permet d’estimer l’impact de diverses mesures de politiques publiques sur l’agriculture et sur plusieurs indicateurs environnementaux, et EUROMOD, qui simule l’effet de réformes fiscales sur le revenu des ménages. Plusieurs scénarios de tarification des émissions de GES sont envisagés, pesant soit sur l’offre (taxe carbone agricole), soit sur la demande (modulation de la TVA en fonction du contenu moyen en GES de l’aliment considéré).

La mise en œuvre d’une taxe carbone par l’UE réduirait ses émissions d’environ 35 MtCO2-éq d’ici en 2030. Cependant, sans modification de la demande européenne, et sauf à faire l’hypothèse peu réaliste que l’ensemble des pays du monde mettent en place une telle mesure, une large part de cette réduction (42 %) serait compensée par une augmentation des émissions en dehors de l’UE. Une modulation de la TVA réduirait quant à elle la demande européenne pour les produits les plus émissifs, mais n’aurait que peu d’effets sur les émissions de GES de l’UE. L’effet au niveau mondial serait toutefois positif, quoique moins important que dans les scénarios de taxe sur la production (figure).

Effets de différents scénarios de tarification du carbone sur les émissions de l’UE, des pays non-membres de l’UE et du monde

Source : Ecological Economics
Lecture : quatre scénarios de tarification du carbone correspondant à un prix de 100 €/tCO2-éq. sont ici envisagés. Dans le premier, l’ensemble des pays du monde mettent en place une taxe sur les émissions de carbone agricole (Global GHG tax). Dans le deuxième, seule l’UE le fait (EU-GHG tax). Le troisième scénario correspond à une situation où les taux de TVA des produits alimentaires sont ajustés en fonction de leur contenu en carbone, sans contrainte concernant le taux de TVA appliqué (EU cons.tax). Le quatrième scénario (EU VAT reform) est identique au troisième, mais avec des taux de TVA correspondant à ceux existant actuellement (5,5 %, 10 % et 20 % pour la France, par exemple).

L’analyse des effets distributionnels montre qu’une modulation de la TVA a un effet « régressif » : dans la mesure où les ménages les plus modestes consacrent une part importante de leurs revenus à l’alimentation, l’impact est plus fort pour eux (réduction du revenu disponible supérieure à 1 %) que pour les ménages aisés (réduction inférieure à 0,5 %). Ces effets régressifs peuvent toutefois être totalement supprimés en redistribuant les recettes fiscales supplémentaires générées, par exemple sous forme de versements forfaitaires par individu.

En conclusion, les auteurs recommandent d’opter pour une taxation des émissions de GES basée sur la demande, en ajustant la TVA sur les produits alimentaires. Pour des questions de faisabilité, le taux de TVA serait défini par catégorie d’aliment (élevé pour la viande rouge, faible pour les fruits et légumes, etc.) et non calculé en fonction du contenu réel en carbone de chaque produit. Ceci permettrait de réduire les émissions mondiales sans entraver la compétitivité du secteur agricole européen. Accompagnée de mesures de redistribution, une telle taxe serait en outre, selon eux, socialement acceptable.

Mickaël Hugonnet, Centre d’études et de prospective

Source : Ecological Economics

image_pdfimage_print