Impacts de la guerre en Ukraine sur les exploitations agricoles
Un article publié en novembre 2024 dans la revue Land Use Policy s’intéresse aux conséquences de l’invasion russe sur les exploitations ukrainiennes. Le travail se focalise sur les régions situées en dehors des zones de conflit.
L’intérêt de l’article tient en premier lieu à la méthode employée. Les auteurs ont souhaité inclure dans leur analyse les petites exploitations, souvent laissées de côté dans ce type de travaux. Elles sont d’ailleurs largement absentes de la statistique agricole ukrainienne, centrée sur les exploitations légalement enregistrées. Pour pallier cette lacune, les auteurs ont mobilisé le registre électronique agraire d’État, instauré en août 2022 pour distribuer les soutiens publics au secteur agricole. Sans être exhaustive, cette base de données est relativement large : elle recense près de 62 000 exploitations de moins de 50 ha, contre seulement 16 000 pour la statistique agricole. Ce registre a été utilisé pour adresser un questionnaire à 75 000 exploitations et plus de 2 200 réponses ont été obtenues.
Les résultats montrent que contrairement aux craintes initiales, les surfaces cultivées n’ont pas notablement diminué suite au conflit. En revanche, la rentabilité des exploitations a été très impactée : la fermeture des ports de la mer Noire et l’augmentation des coûts de transport ont pesé sur le prix des productions agricoles et fait grimper celui des intrants. Dans ces conditions, les agriculteurs ont privilégié des cultures moins gourmandes en intrants (oléagineux en remplacement du maïs et de l’orge par exemple), et le profit de ces petites exploitations a été divisé par deux. 46 % d’entre elles avaient une trésorerie négative en 2022, contre seulement 10 % en 2021. Couplées à de plus grandes difficultés d’accès au crédit depuis l’invasion, les tensions sur la trésorerie ont limité les capacités d’investissement des agriculteurs. Ces contraintes sont d’ailleurs plus prégnantes pour les plus petites exploitations, puisque seulement 34 % des exploitations de moins de 50 ha y ont eu accès, contre 84 % pour celles de plus de 500 ha. Enfin, les données recueillies suggèrent que les effets directs du conflit ont entrainé une diminution de 12 % de la productivité globale des facteurs de l’agriculture ukrainienne, et les effets indirects une baisse de 7,5 à 29 % suivant les régions.
Mickaël Hugonnet, Centre d’études et de prospective
Source : Land Use Policy