Évolutions technologiques des outils numériques pour la fertilisation azotée
Le numéro de la revue Économie rurale de mai 2024 consacre six articles à la digitalisation des systèmes agri-alimentaires. L’un d’eux retrace la trajectoire des outils numériques d’aide à la décision pour la fertilisation azotée (OADn). Les auteurs conduisent une étude longitudinale du développement et de la diffusion de ces OADn dans l’agriculture française, à partir de deux séries d’entretiens avec les acteurs de ce marché, menés à douze ans d’intervalle.
Au même titre que les logiciels de gestion et les outils de pilotage de l’irrigation, les OADn font partie des premières technologies numériques spécifiques à l’agriculture, utilisées en France à partir de la fin des années 1990. Parmi les raisons de ce déploiement, on trouve la directive européenne « nitrates » de 1991, qui met sur la place publique le problème de la pollution des eaux par la sur-fertilisation. La méthode du « bilan », pour déterminer la dose prévisionnelle à apporter, est détaillée. Il s’agit de calculer le besoin en azote des plantes sur la base de prélèvements (échantillons de sols, de plantes) et de leur analyse en laboratoire. La société Farmstar, issue du partenariat entre Airbus, Arvalis et Terres Inovia, conçoit alors le premier OADn. Celui-ci améliore les préconisations de la méthode du « bilan », grâce à des mesures indirectes et automatisées obtenues par images satellites qui, de surcroît, prennent en compte l’hétérogénéité intra-parcellaire (figure).
Évolution des superficies (en hectares) pilotées par Farmstar Source : Économie rurale
À partir de 2017, la mise à disposition gratuite des données satellitaires, dans le cadre du programme européen Copernicus, bouleverse le marché des OADn. Divers concepteurs émergent alors au sein du monde agricole (chambres d’agriculture, agro-équipementiers, fournisseurs d’intrants) et au-delà (startups, éditeurs de logiciels, industriels de l’aérospatial). L’intérêt des agriculteurs pour ces outils va être encouragé par la création en 2018 d’un label du COMIFER, attestant de la conformité des OADn à la méthode du bilan pour le calcul de la dose prévisionnelle d’azote. Ces OADn peuvent, de plus, servir de justification légale au dépassement, lors du dernier apport, de la dose prévisionnelle initialement calculée, si l’outil en détermine le besoin.
Pour les auteurs, la trajectoire technologique de ces OADn a donc été favorisée par le développement d’autres technologies (imagerie satellitaire, drones, capteurs embarqués, équipements de l’agriculture de précision), ainsi que par des évolutions normatives : règles de commercialisation des images satellites, normes environnementales, etc.
Jérôme Lerbourg, Centre d’études et de prospective
Source : Économie rurale