Le service de pollinisation analysé au prisme du droit

Dans une note de février 2023 publiée par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, Philippe Billet (université Lyon 3) s’intéresse aux considérations juridiques relatives aux nouvelles relations entre l’humain et l’abeille.

Le déclin des pollinisateurs, en particulier celui de l’abeille domestique dont le rôle est primordial dans la production agricole et la protection de la biodiversité, a conduit à l’adoption de politiques ciblées de protection. Ce déclin a également révélé la valeur économique du service écosystémique rendu par la pollinisation : l’Inrae l’a estimé à 153 milliards d’euros en 2005, soit 9,5 % de la valeur de la production agricole destinée à l’alimentation humaine.

Pour compenser le déficit de pollinisation, des contrats sont passés entre des apiculteurs et des agriculteurs pour assurer un service de pollinisation. Si cette activité reste encore modeste en France, elle occupe une place importante en Amérique du Nord. Avec ces contrats, une valeur marchande est conférée à la pollinisation, témoignant selon l’auteur d’un nouveau rapport à la nature, puisqu’une valeur monétaire est conférée à une fonction auparavant gratuite. Toutefois, le bénéfice de ce service est aléatoire, en raison des difficultés à conduire les essaims, et il génère du stress pour les abeilles, ce qui explique que ces contrats prévoient une obligation réciproque de moyens mais pas une obligation de résultats.

Selon l’auteur, ceci questionne la légitimité des apiculteurs à bénéficier d’un paiement en contre-partie d’un service qui est également assuré par des pollinisateurs sauvages. Les fondements juridiques du droit relatif au service de pollinisation reposent sur la propriété des colonies, qui sont immeubles par destination. En effet, la colonie ne peut juridiquement se concevoir sans la ruche qui l’immobilise, permettant ainsi son appropriation. L’auteur s’interroge également sur l’opportunité d’une patrimonialisation de ce service, qui se fonderait sur une possible transpropriation, avec une séparation juridique de la propriété de la colonie et de la capacité de service. Ce dernier appartiendrait finalement à la collectivité, ce qui justifierait l’intervention de cette dernière pour le préserver, par la mise en place d’aides économiques ou en le réglementant.

Johann Grémont, Centre d’études et de prospective

Source : Fondation pour la recherche sur la biodiversité

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