L’Europe pourrait-elle devenir autosuffisante en soja en 2050 ?

Des travaux de chercheurs d’INRAE, récemment publiés dans la revue Oilseeds and fats, Crops and Lipids (OCL), s’intéressent au potentiel de développement de la production de soja en Europe en 2050, et à la réduction de la dépendance aux importations.

Une précédente étude prospective, Agriculture Européenne 2050, avait montré, en utilisant le modèle GlobAgri, que les surfaces nécessaires à la satisfaction des besoins européens se réduiraient du fait de la baisse de la démographie et de l’évolution des régimes alimentaires. Ceci permettrait de libérer un surplus de terres agricoles dans certaines zones (voir à ce sujet un précédent billet). Les chercheurs considèrent ici ce surplus comme une opportunité pour la production de soja, en remplacement des importations, et ils présentent deux scénarios.

Le premier, tendanciel, prolongeant les évolutions actuelles des régimes alimentaires, montre que le recul démographique et les variations locales des rendements libéreraient 0,9 million d’hectares (Mha) en Pologne, 3 Mha dans les autres pays d’Europe de l’Est (Bulgarie, Hongrie, Roumanie et Serbie) et 3 Mha en Europe du Sud. Cette dernière, très pénalisée par le réchauffement climatique, serait plutôt abandonnée pour les cultures arables. Dans le second scénario, des régimes alimentaires plus sains (apport énergétique moyen réduit, alimentation plus diversifiée et moins carnée, selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé) permettraient de libérer 10,2 Mha (hors Europe du Sud). Dans les deux scénarios, la démographie plus dynamique de la France, par rapport au reste de l’Europe, n’aboutit pas à des surplus de terres agricoles.

Les auteurs font ensuite l’hypothèse que les surfaces excédentaires seront consacrées à la culture du soja, dont la zone d’implantation sera étendue du fait du réchauffement climatique. Ils estiment alors, sur la base des rendements de 2010, que le taux de dépendance de l’Europe pourrait tomber à 15 % (figure ci-dessous), contre 51 % aujourd’hui. Pour atteindre l’autonomie protéique, une augmentation des rendements de 21 % serait nécessaire par rapport à 2010. Cela leur paraît envisageable, la production de soja en Europe étant encore peu optimisée. Une simulation plus prudente, en matière de rendements, et limitant les ré-allocations de terres en soja à 10 % de la sole, conduit à ramener le taux de dépendance à 38 %.

Projections 2050 des importations européennes de tourteaux (en équivalent protéines) avec (healthy diets) ou sans (trend diets) évolution des régimes alimentaires, et en consacrant la totalité des terres libérées au soja
Source : OCL
Lecture : les aires bleues et oranges représentent les projections d’importations européennes de tourteaux en 2050, respectivement sans ou avec réallocation des surplus de terres pour la culture de soja.

Le potentiel de production de protéines végétales semble donc substantiel, même si, pour les auteurs, il est plus probable et souhaitable qu’il repose sur une combinaison d’oléo-protéagineux plutôt que sur le seul soja.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d’études et de prospective

Source : OCL

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