Revenir à la terre : les espaces marchands de l’agro-écologie en Chine

Le sociologue J. Tassin (ENS de Lyon) a consacré sa thèse, récemment mise en ligne sur la plateforme HAL, aux espaces marchands de l’« agro-écologie sociale » en Chine. Au milieu des années 2000, une succession de scandales entretient la défiance des consommateurs envers les industries agro-alimentaires. Des acteurs, notamment universitaires, appellent au « retour à la terre », et les pouvoirs publics engagent une « stratégie de revitalisation rurale », soutenant des projets dans les domaines de l’énergie, du tourisme, de l’agriculture, etc. Dans ce contexte, le terme « agro-écologie sociale » (shehui shengtai nongye) désigne le développement de la commercialisation de produits biologiques dans des boutiques, restaurants et marchés, mais également sur internet (groupes WeChat).

Entre 2017 et 2020, l’auteur a observé différents lieux de production, de transformation et de distribution de produits fermiers du Yunnan et du Guangxi. Il a également fait une veille sur les plateformes numériques où ces produits sont échangés, et étudié les réseaux chinois ruraux et urbains (Association des amis des paysans, etc.) et transnationaux (Oxfam, mouvement Slow Food). De nouvelles chaînes d’approvisionnement courtes se mettent en place, avec un seul intermédiaire entre production et distribution, garant de confiance, mais sur des distances pouvant atteindre plusieurs milliers de kilomètres.

Observant la circulation des produits, des personnes et des savoirs sur l’alimentation « saine », J. Tassin insiste sur le rôle de nouveaux intermédiaires des « entrepreneurs flottants ». Ceux-ci démarchent les producteurs disposant de surplus, les collectent et, éventuellement, les transforment, avant de les proposer aux consommateurs de grandes villes éloignées, comme Pékin. Ces jeunes, qu’on désigne comme des « retournés » (à la terre), présentent différents profils : diplômés en agronomie ou développement rural, reconvertis après une rupture biographique, personnes dont la migration en ville a échoué. Ils se positionnent comme des « entrepreneurs de consommation éthique », et contribuent à l’émergence d’espaces de discussion sur les pratiques alimentaires.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source : HAL

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