Modélisation de la circulation de la peste porcine africaine chez les sangliers

Trois pays frontaliers de la France ont connu (Belgique) ou connaissent (Italie, Allemagne) une épizootie de peste porcine africaine (PPA) en élevage. Même si le mode de transmission est mal connu, le rôle des sangliers dans la contamination des porcs et la dynamique de la maladie est avéré. Compte tenu de l’importance économique et sanitaire de l’épizootie, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a conduit une étude par modélisation de la maladie chez le sanglier.

Deux territoires français ont été étudiés : la zone à la frontière belge (ZFB) de surveillance définie par le ministère de l’Agriculture lors de l’épizootie belge ; le département des Pyrénées-Atlantiques (DPA). Ils diffèrent sur plusieurs points : la ZFB est très compartimentée par le système routier, au contraire du DPA, plus homogène et très boisé, favorisant ainsi la prolifération et le déplacement des sangliers. 500 groupes de sangliers ont été répartis de manière aléatoire dans chaque territoire. Les caractéristiques i) démographiques des deux populations de sangliers, ii) territoriales et iii) de propagation de la maladie ont été intégrées au modèle. L’influence de la chasse a aussi été étudiée.

En l’absence de maladie, la dynamique de la population des sangliers est similaire dans les deux territoires, hors période de chasse (accroissement régulier) et en période de chasse (retour à la population de base). En revanche, lors d’épizooties et hors périodes de chasse, la population des sangliers diminue à la fois plus rapidement et de manière plus marquée dans le DPA. La durée de la crise épizootique y est également plus courte. De plus, la chasse ralentit la propagation de la maladie par diminution de la densité animale, mais allonge significativement la durée de la crise, du fait de la baisse des risques de transmission (figure ci-dessous). Ce caractère est accentué en zone non fragmentée (DPA).

Dynamique simulée de la PPA pour la zone à la frontière belge (graphiques C) et le département des Pyrénées-Atlantiques (graphiques D), hors période de chasse (en haut) et en période de chasse (en bas)
Source : Preventive Veterinary Medicine
Lecture : la courbe rouge représente la médiane de morbidité et la zone grisée la variabilité à 95 %. Hors période de chasse, la morbidité (ainsi que la mortalité du fait de la létalité importante de la PPA) est plus intense en DPA qu’en ZFB (changement d’échelle des ordonnées), mais la crise dure moins longtemps. En période de chasse, ces différences d’intensité et de durée entre les deux zones sont accentuées.

Par ailleurs, l’étude montre que dans un territoire fragmenté (ZFB), le nombre modélisé de sangliers atteints, donc susceptibles de transmettre la maladie à un élevage de porcs, est plus faible. Pour les auteurs, en matière de politique publique, l’installation de barrières limitant la dissémination des sangliers est donc intéressante. Enfin, la chasse de loisir vient allonger la durée de l’épidémie, et augmente donc le risque de contamination des porcs domestiques : la pertinence de son interdiction en zone d’épizootie, déjà prévue par la législation sanitaire, est donc confortée.

Franck Bourdy, Centre d’études et de prospective

Source : Preventive Veterinary Medicine

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