Une forte interdépendance entre les États-Unis, le Brésil et la Chine sur le marché du soja
Trois experts de l’Economic Research Service (département américain à l’agriculture, USDA) ont publié une synthèse sur l’interdépendance entre ces trois acteurs majeurs du marché mondial du soja. En effet, parmi les principaux produits agricoles, ce marché est le plus concentré au monde, à l’exportation comme à l’importation. Brésil et États-Unis cumulent ainsi plus de 83% des exportations mondiales, dont les deux tiers sont absorbés par la Chine. Cette concentration géographique résulte de la combinaison de facteurs bioclimatiques, politiques et économiques, au cours des dernières décennies.
Principaux flux mondiaux dans le commerce du soja (2016-2017)
Source : USDA-ERS
Les auteurs rappellent comment les politiques agricoles et alimentaires chinoises ont favorisé la production locale de riz et de céréales, dans un objectif de sécurité alimentaire, et ont donc ouvert la voie aux importations de soja, celles-ci représentant aujourd’hui 30 % du total des imports nationaux de produits agricoles et agroalimentaires. L’explosion de la demande chinoise, qui a permis un développement rapide de la production locale de viande, constitue la majeure partie de la croissance mondiale des échanges, directement tirée par le développement de la production de soja brésilien. Les conditions de culture s’y sont en effet révélées très favorables, en particulier dans les zones tropicales où soja et maïs peuvent se succéder sur une même campagne. Les coûts de production brésiliens sont inférieurs de 19 % à ceux constatés aux États-Unis et de 60 % par rapport à ceux de la Chine, en particulier grâce au moindre prix des terres, et aux plus faibles coûts du travail et du matériel.
Importations mondiales de soja depuis 1990 et projections jusqu’en 2028/2029
Source : ERS-USDA
Depuis juin 2018, l’application par la Chine de taxes à l’importation sur le soja américain, dans le cadre des conflits commerciaux entre les deux pays, a largement profité au Brésil, renforçant sa position de leader. Compte tenu de l’ampleur des flux concernés, et en dépit de la baisse des prix américains, les autres pays importateurs n’ont pas pu absorber les volumes produits aux États-Unis qui ne sont plus exportés vers la Chine. Malgré ce conflit et un léger ralentissement récent des achats chinois, l’USDA prévoit une poursuite de la progression de la demande chinoise sur les dix prochaines années, essentiellement alimentée par le Brésil.
Cette synthèse très documentée permet donc de resituer et comprendre cette interdépendance historique, et rappelle la place stratégique du soja dans l’économie brésilienne actuelle.
Jean-Noël Depeyrot, Centre d’études et de prospective
Source : United States Department of Agriculture, Economic Research Service