Transformations structurelles et emploi dans les chaînes de valeur alimentaire
Dans un article publié en septembre 2025 dans Nature Food, des chercheurs américains étudient l’impact des transformations économiques structurelles sur l’emploi, tout au long des chaînes de valeur alimentaires, dans différents pays du monde. Les auteurs analysent les systèmes agroalimentaires dans leur ensemble, depuis la production agricole jusqu’à la distribution et la restauration hors foyer.
Utilisant des données couvrant la période 1993-2021, ils ont approfondi la méthode du « dollar alimentaire » (développée par le ministère de l’Agriculture américain, USDA), en décomposant la valeur ajoutée selon six domaines : agriculture, transformation alimentaire, transport, commerce de gros, restauration, commerce de détail (figure).
Décomposition de la chaîne de valeur alimentaire selon les différents secteurs qui y contribuent, sur la base de 112 pays
Source : Nature Food
Les auteurs constatent simultanément une hausse des revenus, une évolution des habitudes et des modes de consommation alimentaires, une augmentation de la part de produits transformés, un développement de la restauration hors domicile, et une baisse de l’emploi agricole.. Ils ont ainsi calculé que chaque doublement du produit intérieur brut (PIB) par habitant s’accompagne d’un recul de 6,6 % de l’emploi agricole, ce qui n’est pas le cas dans les secteurs à l’aval. Ces derniers concentrent une part stable des emplois au fil des ajustements structurels. Parallèlement, les revenus des travailleurs de l’ensemble des secteurs liés à l’alimentation (hors commerce de gros) augmentent à un rythme supérieur à celui du revenu moyen national. Malgré la réduction des écarts de rémunération entre les différents secteurs, le travail agricole reste moins profitable (figure).
Évolution des rémunérations moyennes dans les différents secteurs de la chaîne de valeur alimentaire, en fonction de l’augmentation du PIB par habitant
Source : Nature Food
La hausse de la productivité agricole (mesurée par la productivité totale des facteurs) a un impact limité sur la réallocation des emplois au sein de la chaîne de valeur. L’emploi agricole résulte donc plutôt de l’évolution de la demande alimentaire que de la transformation de l’agriculture. Enfin, la croissance du revenu moyen par habitant s’accompagne d’une spécialisation des emplois. La « spécialisation fonctionnelle » est liée au développement de la sous-traitance sur des fonctions non spécifiques, mieux rémunérées, telles que la comptabilité ou la maintenance des équipements. La « spécialisation genrée » résulte de la « migration différenciée » dans la chaîne de valeur : les femmes quittent l’agriculture pour les services alimentaires, alors que les hommes s’investissent dans les activités intermédiaires, mieux rémunérées. Cela conduit à la hausse des écarts de rémunération entre hommes et femmes.
Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective
Source : Nature Food


