Protéines végétales : agir en même temps sur l’offre et la demande
Le Joint Research Centre (JRC) a publié, en octobre 2024, une étude visant à identifier les leviers et les freins à la réduction du déficit européen en matière de protéines végétales. D’un côté, le régime alimentaire moyen reste principalement basé sur les protéines animales. De l’autre, la demande européenne pour l’alimentation animale est très dépendante des importations de soja (graines et tourteaux). Le rapport présente les résultats de simulations jouant sur différents paramètres, séparés ou combinés : la production de protéagineux, l’alimentation du bétail, le volume et la structure du cheptel, le régime alimentaire.
Le travail s’est appuyé sur deux modèles complémentaires, l’un macroéconomique, au niveau des régions européennes (CAPRI), l’autre microéconomique, à l’échelle de l’exploitation agricole (IFM-CAP). Cinq scénarios ont été testés, à l’horizon 2035. Le premier (CS) consiste en une utilisation maximale du soutien couplé pour les protéagineux, à hauteur de 2 % de l’enveloppe des aides directes. Le deuxième (FEED) repose sur l’adoption accrue d’une alimentation du bétail pauvre en azote. Le troisième (LSU) suppose de limiter la densité des élevages à 2 UGB/hectare de SAU dans chaque région. Le quatrième scénario (DIET) projette un alignement partiel et progressif (d’ici 2035) du régime alimentaire moyen avec les recommandations nutritionnelles de la Commission EAT-Lancet. Enfin, le dernier scénario (COMB) combine les quatre précédents.
En comparant les résultats des différents scénarios, il ressort que le changement de régime alimentaire (scénario DIET) et, dans une moindre mesure, la limitation de la densité des élevages (scénario LSU), sont les principaux facteurs de variation par rapport au scénario de référence. L’impact sur la valeur ajoutée des productions agricoles à l’horizon 2035 (figure) est particulièrement fort. La modification structurelle de la demande conduirait à une forte baisse de la valeur ajoutée des productions animales, non compensée par la hausse de celle des productions végétales. Au total, la diminution serait de 3,8 % pour le scénario COMB. Les résultats sont cependant hétérogènes selon les pays, le type et la taille des exploitations.
Évolutions relatives, en 2035, de la valeur ajoutée des principales productions selon les différents scénarios (par rapport au scénario de référence)Source : JRC
En ce qui concerne les bénéfices pour l’environnement, ils sont notables pour les surplus azotés et les émissions de gaz à effet de serre (respectivement -6,4 % et -5,6 % pour COMB), mais réduits pour la diversité des cultures et l’érosion des sols.
Les auteurs concluent à l’importance d’agir simultanément sur l’offre et la demande de protéines végétales, et de mettre en place des mesures accompagnant les transitions au niveau des exploitations, pour compenser les pertes de revenu en productions animales.
Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective
Source : Joint Research Centre