Relation entre antibiothérapie animale et antibiorésistance humaine
L’antibiorésistance chez l’humain peut être réduite en diminuant l’utilisation d’antibiotiques chez l’animal. Un article paru en juillet 2024 dans la revue One Health objective cette relation en décrivant les résultats d’une étude danoise.
Les auteurs ont croisé les informations fournies par deux banques de données au Danemark. La première, « DanMap » (programme de gestion et de recherche en antibiorésistance), compile les résultats d’analyses microbiologiques conduites de 2010 à 2021, dans la population. La seconde, VETSTAT, collecte les prescriptions médicamenteuses pour les bovins, petits ruminants, porcs, volailles, poissons et animaux de compagnie, sur la période 2010-2020. La recherche s’est concentrée sur 7 bactéries pathogènes (4 types de salmonelles, 2 de Campylobacter et E. Coli), et différents modèles statistiques ont testé les corrélations (figure).
Taux d’antibiorésistance par bactérie et par antibiotique, entre 2010 et 2021 chez l’humainSource : One Health
Lecture : « ABR » pour antibiorésistance. Chaque ligne colorée correspond à un couple antibiotique-bactérie. Pour plus de clarté, le nom du couple n’est précisé que lorsque les variations sont significatives.
Les résultats montrent que la diminution de l’usage des antibiotiques chez les bovins, les volailles et les animaux de compagnie entraîne une plus faible prévalence de l’antibiorésistance chez l’humain. La relation entre l’usage d’antibiotiques chez les porcs et les petits ruminants et l’antibiorésistance varie selon la méthode statistique employée. En aquaculture, les quantités d’antibiotiques employées sont trop faibles pour obtenir un résultat satisfaisant.
L’examen des liens entre usages d’antibiotiques et antibiorésistance rencontre néanmoins plusieurs difficultés. Les corrélations observées, tantôt positives ou négatives, pourraient s’expliquer par les variations de volumes d’antibiotiques utilisés d’une espèce à l’autre. Les chercheurs regrettent aussi de ne pas disposer de données sur les prescriptions humaines. Par ailleurs, les antibiotiques ayant été interdits comme promoteurs de croissance avant 2010, leur usage présente de plus faibles variations qu’auparavant, lesquelles sont donc plus difficiles à détecter. Il peut aussi exister un décalage temporel entre les changements d’usage des antibiotiques et l’évolution de l’antibiorésistance. Enfin, une modification des doses d’antibiotiques pourrait avoir des conséquences sur le génome (plutôt que sur le phénotype), ce que l’analyse ne permet pas de détecter.
Actuellement, l’antibiothérapie animale est limitée au traitement de maladies avérées : la diminution des prescriptions en médecine vétérinaire ne peut donc être que faible. Selon les auteurs, diminuer l’antibiorésistance humaine est avant tout une question de prescription en médecine humaine. Des études supplémentaires doivent être réalisées, en considérant d’autres données, comme le demande l’Alliance internationale One Health, notamment des facteurs socio-économiques. La période prise en compte devrait aussi être étendue.
Franck Bourdy, Centre d’études et de prospective
Source : One Health