Utilisations et impacts des pesticides en Éthiopie
L’International Journal of Environmental Science and Technology a publié, en mai 2024, un état des lieux des pesticides en Éthiopie, sur la base d’une sélection de 103 articles parus au cours des trente dernières années. Cette revue de littérature aborde successivement : les tendances d’utilisation, les impacts sur les écosystèmes aquatiques, les pratiques d’application et enfin le niveau de mise en œuvre de la législation nationale.
Un peu plus de mille pesticides sont homologués en Éthiopie, 58 % d’entre eux étant « très dangereux », comme les insecticides DDT ou endosulfan, utilisés très largement par les petits exploitants en cultures irriguées (87 % et 98 % respectivement). Plusieurs de ces pesticides « très dangereux » sont d’ailleurs toujours fabriqués et commercialisés en Éthiopie. Des problèmes de stockage et de gestion des 2 500 tonnes de produits périmés sont par ailleurs mis en avant, à l’origine de fuites importantes qui n’épargnent aucun entrepôt du pays.
Pour ce qui est des tendances, les volumes de pesticides importés ont triplé entre 2000 et 2012 pour atteindre 3 647 tonnes cette année-là (données les plus récentes fournies dans l’article). Il s’agit majoritairement d’insecticides (72 %), achetés par les exploitations industrielles ou des investisseurs du secteur. Quant aux fréquences de traitement, elles vont de 5 à 17 passages par saison culturale.
Les impacts des pesticides sont ensuite abordés. Les effets délétères, multiples et graves, des produits organochlorés et organophosphatés sur les écosystèmes aquatiques et sur les humains sont rappelés (résidus de pesticides dans la chaîne alimentaire et en particulier dans les poissons des grands lacs, eau potable contaminée). L’exposition des masses d’eau est ensuite estimée sur la base d’études conduites dans plusieurs régions du pays : 48 % des agriculteurs mélangeraient leurs pesticides à proximité des points d’eau, provoquant des pollutions (figure).
Manipulation de pesticides sans équipement de protection et aux abords de cours d’eauSource : International Journal of Environmental Science and Technology
89 % des agriculteurs ne porteraient pas d’équipements de protection individuels, 94 % mélangeraient les pesticides à mains nues mais avec un bâton et 6 % sans même de bâton. L’achat et l’usage de pesticides se font sans restriction et sans conseil, et trois quarts des agriculteurs ne seraient pas en capacité de lire les étiquettes des produits.
Pour finir, la législation nationale est détaillée par les auteurs. Le constat est qu’il existe de nombreuses dispositions, pertinentes, visant à encadrer les achats de pesticides et leurs utilisations, de même que des sanctions conséquentes en cas d’entorse à cette réglementation (amendes, peines d’emprisonnement). Mais elle n’est pas appliquée par manque de capacité de contrôle, et à cause du conflit d’intérêt avec l’expansion des exploitations industrielles de fleurs soutenue par les pouvoirs publics. En conclusion, sept recommandations portant sur le contenu des politiques publiques et leur mise en application sont formulées.
Karine Belna, Centre d’études et de prospective
Source : International Journal of Environmental Science and Technology