La Martinique : scénarios de sortie du glyphosate

Le Cirad a publié, en mars 2024, les résultats d’une étude prospective sur l’avenir des usages du glyphosate dans l’agriculture martiniquaise. Aux côtés de deux autres DROM, la Martinique figure parmi les départements les plus consommateurs de glyphosate en France (figure). La quantité épandue par hectare de surface cultivée y est même trois fois supérieure aux valeurs nationales (1 kg contre 0,3 kg en 2021). Le glyphosate étant homologué pour presque toutes les productions locales, cette prospective intéressera de nombreux acteurs et elle est de plus porteuse d’enseignements pour d’autres herbicides.

Moyenne triennale de la vente de glyphosate (QSA) en kg.ha-1.an-1Source : Cirad

La première partie du rapport documente les cinq types d’usages du produit pour 46 cultures : i) entretien des bordures de champ, ii) désherbage des zones de passage entre les parcelles, iii) lutte contre les adventices dans les cultures en inter-rangs, iv) destruction du couvert végétal, spontané ou installé, présent à la suite d’une jachère, v) dévitalisation des souches de bananiers pour la mise en place des cultures suivantes. Le désherbage des bordures est identifié comme l’unique usage du glyphosate en canne à sucre (0,44 kg/ha/an). En production bananière, qui représente 87 % de la consommation globale de ce produit, les cinq utilisations précitées se retrouvent. Le climat tropical favorable au développement des adventices, la présence d’espèces invasives, les terrains en pente qui handicapent le désherbage mécanique participent de cet important recours au glyphosate.

La deuxième partie du document montre la diversité des alternatives déjà utilisées par les agriculteurs. Le paillage et la densification du couvert végétal freinent la pousse d’adventices. L’éco-pâturage conduit les bovins, ovins, porcs et volailles à nettoyer les parcelles et à préparer les mises en culture suivantes, mais il requiert des références technico-économiques sur les liens entre élevage et culture végétale, peu développées à ce jour.

Plusieurs enseignements sont enfin tirés des trois scénarios élaborés : « tendanciel », « zéro glyphosate en 2035 » et « tout glyphosate ». La réduction de son usage fait davantage consensus, chez les parties prenantes, que son arrêt complet, à cause des risques de remplacement par un autre herbicide. L’invention de nouveaux outils de désherbage low tech ou high tech est un autre point d’accord, à l’instar de la nécessité d’études sur les coûts socio-économiques de la transition pour les exploitants. Cette expertise a ainsi confirmé ce qui a été montré ailleurs : en régime de transition, la prospective permet à un large éventail de contributeurs d’explorer ensemble les futurs probables, les risques et opportunités qui leur sont associés, et de se préparer au monde qui vient (figure).

Source : Cirad

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Source : CIRAD

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