Effets potentiels de l’instrument de stabilisation des revenus de la Politique agricole commune

Dans un article publié en avril 2024 dans le Journal of Agricultural Economics, des chercheurs analysent les impacts potentiels de l’instrument de stabilisation du revenu introduit lors de la réforme de la Politique agricole commune de 2014, mais peu utilisé depuis.

Cet outil consiste en un fonds de mutualisation, alimenté par les pouvoirs publics (Union européenne et cofinanceurs nationaux) à hauteur de 65 % maximum, et par les cotisations d’agriculteurs volontaires pour les 35 % restants. Lorsqu’un exploitant cotisant fait l’objet d’une perte de revenu supérieure à 30 %, il perçoit une indemnité égale au maximum à 70 % de la perte subie. Pour tenter d’accroître l’utilisation de cet instrument par les États membres, le règlement Omnibus de 2017 a augmenté le taux de contribution publique à 70 %, et abaissé la perte de revenu déclenchant l’indemnisation à 20 %. Pour autant, seule l’Italie a fait le choix d’ouvrir ce dispositif sur son territoire.

Dans leur article, les auteurs Kamel Louhichi et Daël Merisier cherchent à estimer les effets qu’aurait le déploiement de cet outil en France, au moyen d’un modèle de micro-simulation. La modélisation se focalise sur les exploitations de grandes cultures et mobilise le Réseau d’information comptable agricole européen. Quatre scénarios sont comparés à un scénario de référence, sans instrument de stabilisation. Les deux premiers considèrent la situation avant le règlement 2017, pour un taux de cotisation fixe (CAP2014-S1) ou progressif, fonction du revenu (CAP2014-S2). Les scénarios Omnibus-S1 et Omnibus-S2 sont leurs équivalents, mais dans le contexte réglementaire post-2017.

Les résultats montrent que quel que soit le scénario retenu, le taux de souscription serait relativement faible, avec un maximum de 36,4 % dans le scénario Omnibus-S1, le plus favorable (figure). Si les modifications réglementaires introduites en 2017 semblent de nature à favoriser une souscription plus large au dispositif, l’effet n’est pas massif pour autant (+13 points de pourcentage environ). Les simulations mettent également en évidence une augmentation du revenu agricole moyen (+11 % à +19 % selon le scénario retenu), ainsi qu’une distribution moins inégale de celui-ci (diminution de l’indice de Gini). Enfin, l’ouverture de ce dispositif se traduirait par une réduction de la diversité des assolements, les agriculteurs assurés étant incités à privilégier des cultures plus rémunératrices mais risquées, à l’instar des pommes de terre.

Taux de souscription à l’instrument de stabilisation du revenu selon l’orientation productive et la dimension économiqueSource : Journal of Agricultural Economics
Lecture : ce tableau présente le taux de souscription modélisé pour différentes spécialisations (cultures et oléo-protéagineux, autres grandes cultures et moyenne), différentes dimensions économiques (production brute standard comprise entre 25 000 € et 100 000 €, entre 100 000 € et 250 000 €, supérieure à 250 000 € et moyenne) et selon les quatre scénarios envisagés.

Mickaël Hugonnet, Centre d’études et de prospective

Source : Journal of Agricultural Economics

image_pdfimage_print