Le recours aux plateformes de crowdfunding dans le secteur agricole
Paru en mai 2024 dans la Revue française de socio-économie, un article de V. Potier, C. Calvignac et J. Brailly (université G. Eiffel, université de Toulouse et ENSAT) analyse le recours au financement participatif (crowdfunding) en agriculture.
Depuis le début des années 2010 et le développement de « l’économie de plateforme » (voir un précédent billet), les canaux traditionnels de financement de l’activité agricole (prêts bancaires, aides publiques à l’installation, etc.) peuvent être complétés par des campagnes d’appel aux dons, sur des sites spécialisés tels que Miimosa ou BlueBees. Ces deux plateformes revendiquent 7 315 projets agricoles financés au cours des 11 dernières années, pour de petits montants (5 771 euros en moyenne sur Miimosa en 2021). Le maraîchage et la permaculture sont particulièrement concernés.
Pour capter l’éventail des attitudes à l’égard de ces nouvelles formes de financement, les auteurs ont interviewé 24 « non-adoptants », c’est-à-dire des agriculteurs ayant écarté le recours au financement participatif. Parmi les raisons qu’ils avancent figurent la priorité donnée au circuit bancaire classique, les attentes du public (pour qui les exploitations « conventionnelles » font figure de repoussoir), et enfin le rejet de principe de l’appel au don, vu comme de l’assistanat.
Par ailleurs, 26 exploitants ayant lancé une campagne ont été interrogés. Ils représentent une diversité de types et de tailles d’exploitations, dans différentes régions. Le financement participatif apparaît comme une façon de constituer un « fonds d’amorçage » pour « se lancer, se reconvertir, s’agrandir ou faire face à un accident de parcours ». La réussite d’une telle campagne crédibilise les porteurs de projet aux yeux des conseillers agricoles et des banquiers, révélant à la fois l’existence d’une adhésion à la démarche du côté des consommateurs et une capacité à conduire une entreprise.
Monter une campagne implique un « surtravail » et des compétences relationnelles : la capacité à s’exprimer clairement, à hiérarchiser les informations ou à « se mettre en récit ». Enfin, les auteurs relèvent que le crowdfunding a un effet performatif sur les exploitations, la « publicisation des engagements » poussant à « honorer le contrat moral passé avec les contributeurs ».
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
Source : Cairn