« Limites agricoles », production alimentaire et préservation de la biodiversité
La revue Frontiers in Sustainable Food Systems a publié, en février 2024, un article sur l’élaboration d’un cadre conceptuel permettant de mieux prendre en compte, dans les évaluations et les études prospectives, les facteurs agricoles liés à la perte de biodiversité. Ils soulignent les interactions et les effets cumulés de ces facteurs.
À partir d’une revue de la littérature, les auteurs identifient les principales pressions agricoles affectant directement ou indirectement la biodiversité : changement d’affectation des sols, contribution au changement climatique, prélèvements d’eau, pollution par les pesticides et les nutriments (azote et phosphore), simplification des paysages agricoles (diversité et rotation des cultures, etc.) et gestion des prairies. Pour chacune de ces pressions, ils proposent une limite critique assurant la préservation de la biodiversité, en dessous de laquelle les effets négatifs sont réduits et au-dessus de laquelle des effets positifs apparaissent (figure). Selon eux, la prise en compte simultanée de l’ensemble de ces limites, dans la gestion des agro-écosystèmes, permettrait de réduire l’impact négatif de l’agriculture sur la biodiversité.
Représentation des limites agricoles pour la biodiversitéSource : Frontiers in Sustainable Food Systems
Lecture : les limites critiques représentées en rouge sont des pressions qui doivent être contenues en-dessous d’un certain niveau, tandis que les limites représentées en vert doivent être maintenues au-dessus d’un seuil minimum.
Ces « limites agricoles » peuvent être utilisées dans des modèles d’équilibre de la biomasse, afin d’évaluer la capacité d’un système agricole à répondre aux besoins alimentaires, tout en préservant la biodiversité. Elles permettent aussi de simuler des scénarios, contraints par les limites identifiées, et d’en étudier les implications biophysiques et économiques (ex. rendements, allocation des produits).
Les auteurs suggèrent qu’un système agricole respectant le cadre proposé serait moins vulnérable aux effets du changement climatique. Comme piste de recherche ultérieure, ils proposent d’en comparer les rendements avec ceux d’un système à haut niveau d’intrants. L’étude des effets sur l’adaptation au changement climatique et la régénération des sols est un autre projet évoqué.
Ce cadre conceptuel devra être adapté aux contextes locaux, afin d’élaborer des stratégies spécifiques de gestion des terres agricoles fondées sur la préservation de la biodiversité.
Marie Martinez, Centre d’études et de prospective