Quel rôle et quels effets de la PAC dans la préservation des prairies permanentes ?

Dans son numéro 64 de juillet 2014, Le courrier de l’environnement de l’Inra a publié un article proposant une réflexion sur les effets de la « conditionnalité PAC » dans la préservation des prairies permanentes, en analysant en détail les textes réglementaires européens et leurs modalités d’application en France. Malgré la reconnaissance de ses nombreux avantages sur le plan environnemental, paysager ou même sur la qualité des produits animaux, la prairie est en régression continue en France métropolitaine depuis les années 1970, et ce jusqu’en 2010 (date des dernières données mobilisées). Alors que la baisse est très forte dans les régions de grandes cultures et mixtes, on assiste ailleurs à une spécialisation herbagère. Toutefois, les prairies naturelles sont les plus menacées dans toutes les zones.

L’enjeu « prairie » a été progressivement intégré à la PAC, depuis la création de l’indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), en passant par la prime au maintien des surfaces d’élevage extensif (PMSEE devenue ensuite PHAE). Son rôle environnemental est explicitement reconnu dans le règlement (CE) n°1782/2003 [article 5(2)], instaurant en 2005 la conditionnalité des aides PAC et comportant notamment une exigence de « maintien des pâturages permanents (PP) ».

Si la formulation européenne de cette exigence dans le règlement de 2003 laissait prévoir une protection forte de l’ensemble des prairies, l’auteur montre qu’une interprétation très « lâche » de cet article dans son règlement d’application a grandement atténué la portée de la mesure. Le choix, par exemple, de limiter à 10% la diminution du ratio PP / Surface Agricole Utile entre 2005 et 2013 s’avère peu contraignant puisque la baisse des surfaces en prairies n’a pas dépassé ce taux en moyenne depuis 1992. Il en va de même pour les modalités d’application prises à l’échelle nationale.

L’auteur s’interroge donc sur l’effet de la conditionnalité. Si l’enjeu de maintien des prairies semblait bien se prêter à un instrument de ce type, plusieurs dispositions ont pu produire des effets pervers et conduire paradoxalement à un retournement des prairies. C’est le cas par exemple de l’anticipation de l’année de référence.

Enfin, quelques perspectives pour la politique agro-environnementale sont proposées : ne pas focaliser uniquement le maintien sur la « quantité » de prairies mais aussi sur leur « qualité » (celle-ci ayant tendance à être dégradée par intensification), assurer un bon équilibre entre adaptation aux situations locales et niveau d’ambition, etc. Autant d’enseignements au prisme desquels la mise en œuvre du « verdissement » à venir pourra être analysée, selon l’auteur.

Clément Villien, Centre d’études et de prospective

Source : Le Courrier de l’environnement de l’Inra

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