Quels impacts des crises récentes sur les entreprises de la chaîne du froid ?

Dans un article publié dans Agricultural and Food Economics, des chercheurs analysent les conséquences des crises récentes (pandémie de Covid, guerre en Ukraine) sur les entreprises de la logistique du froid espagnoles et portugaises, en s’inspirant du concept de « destruction créatrice » de Schumpeter.

Ils ont conduit des entretiens semi-directifs avec des responsables de dix entreprises, parmi les trente plus importantes du secteur de la péninsule ibérique, et représentant 45 % de parts de marché. La logistique du froid concerne principalement les industries agroalimentaires (60 % de la valeur convoyée, soient 2,7 milliards d’euros en 2023), les groupements d’achat des restaurants et hôtels ainsi que la grande distribution. La pandémie de Covid a désorganisé les chaînes d’approvisionnement alimentaires et la guerre en Ukraine s’est traduite par un renchérissement des coûts de l’énergie (électricité pour la réfrigération, carburant pour le transport), inédit par son ampleur et sa durée. Pour faire face aux à-coups des confinements, les entreprises ont développé leur agilité dans la gestion des chaînes logistiques. La fluidité des communications avec leurs clients et au sein des équipes s’est accrue, grâce à une plus grande fréquence des échanges et à l’adoption d’outils numériques spécialisés (progiciels pour l’optimisation des circuits et des cargaisons, gestion des alertes des chauffeurs et des clients, flux tendus, etc.). Pour se saisir des opportunités créées par les achats en ligne et les livraisons à domicile, plusieurs entreprises ont par ailleurs contractualisé avec des sociétés de livraison prenant en charge les derniers kilomètres.

Aux restrictions du fret maritime, aux pénuries de conteneurs et de personnels (chauffeurs routiers, logisticiens), s’est ajoutée la hausse des coûts de fonctionnement (+40 %) et de transport (de +75 % à +328% pour les carburants) liée à la guerre. Dans ce contexte, les entreprises ont innové pour maintenir leur compétitivité : gestion économe du carburant par optimisation des itinéraires, introduction de clauses de révision des tarifs indexés sur le prix de l’énergie, réduction des distances couvertes quotidiennement par les chauffeurs, automatisation et robotisation des entrepôts, gestion directe de ceux appartenant à des clients, etc. Le mouvement de concentration du secteur, parallèlement à l’œuvre, mériterait selon les auteurs d’être analysé.

Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective

Source : Agricultural and Food Economics

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