Les mutations contemporaines du droit de l’animal, O. Le Bot (dir.), DICE Éditions, 2023
Coordonné par Olivier Le Bot (professeur de droit public, université d’Aix-Marseille), cet ouvrage fait suite à un colloque de 2021 et rassemble les contributions de juristes, politistes et historiens. Il envisage le droit de l’animal comme un champ disciplinaire structuré de longue date (parties 1 et 2). Certains concepts y apparaissent « désuets, dépassés ou scandaleux », mais de nombreuses mises à jour ont été faites ces quinze dernières années, relève S. Desmoulin (CNRS). Par exemple, le mot « nuisible » a été abandonné par le code de l’environnement en 2018. Des catégories « ambivalentes » permettent de mieux « concilier l’intérêt de l’animal et l’intérêt humain à exploiter l’animal » : c’est le cas du « bien-être animal », catégorie formulée, selon M. Oguey (université Grenoble Alpes), pour accompagner l’intensification de l’élevage. Ce rééquilibrage se traduit aussi par différents mécanismes de représentation des animaux devant les juridictions (parties 5 à 7).
Une série de contributions (parties 3 et 4) porte sur l’intégration de la question animale dans l’agenda politique puis dans l’ordre juridique, via l’action des associations, groupes de pression, etc. F. Carrié (IEP de Fontainebleau) compare la cause animale en Grande-Bretagne et en France (voir aussi sa thèse sur HAL). Trois conceptions de la représentation des intérêts des animaux se succèdent dans les pays anglophones : la protection animale au début du XIXe siècle (voir à ce sujet un précédent billet), centrée sur les animaux de rente ; l’anti-vivisectionnisme des années 1860, visant à encadrer les expérimentations scientifiques et élargissant la compassion aux animaux de compagnie ; l’animalisme et l’antispécisme dans la foulée des mouvements sociaux des années 1960 (critique de toute forme d’exploitation). À chaque étape, on observe une « circulation différée et contrariée » de ces idées vers la France. L’explication de ce retard tient, selon l’auteur, à des jeux d’acteurs moins favorables. À la fin des années 1990, une nouvelle vague de recrutement dans les milieux associatifs fournit des relais inédits à l’animalisme. Ce « moment d’émulation » voit notamment l’apparition de L214.
Sur un registre plus militant, signalons la contribution de E. Duval (université d’Essex) sur les « lois bâillons » visant à réprimer les intrusions dans les élevages et les abattoirs. Enfin, S.T. Simon (université de Lorraine) s’intéresse à une autre évolution des répertoires d’action collective, avec la création de partis politiques faisant des élections une « tribune » pour les thèses animalistes (figure ci-dessous).
Résultats électoraux (nationaux et européens) des partis animalistes entre 1993-2021
Source : DICE Éditions
Lecture : TSP : Tierschutzpartei, Allemagne. PvdD : Partij voor de Dieren, Pays-Bas. PAN : Pessoas Animais Natureza, Portugal. PA : Parti animaliste, France. PACMA : Partido Animalista Contra el Maltrado Animal, Espagne. AWP : Animal Welfare Party, Royaume-Uni. PAI : Partito Animalista, Italie. DA : Dieranimal, Belgique. DP : Djurens Parti, Suède.
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
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