Poulets génétiquement modifiés pour résister à la grippe aviaire

En octobre 2023, des scientifiques publient dans Nature Communications leurs travaux sur des modifications génétiques conférant à des poulets une résistance au virus de la grippe aviaire. D’après des recherches antérieures, le gène ANP32A est impliqué dans la réplication du virus mais, codant une protéine au rôle biologique vital, il ne peut être supprimé. D’autres scientifiques ont ensuite découvert qu’un deuxième gène code une protéine de la même famille (ANP32B), avec une différence de deux acides aminés empêchant le développement du virus.

Les auteurs ont utilisé la technique CRISPR-Cas pour créer une lignée de poulets avec le gène ANP32A modifié (figure ci-dessous). Ils ont ensuite comparé la sensibilité à l’infection et à la transmission du virus entre ces poulets et des poulets de phénotype sauvage (témoins). Dans un premier temps, deux groupes (témoin et génétiquement édité) de 20 poulets ont été constitués. Dans chaque groupe, dix poulets ont reçu une dose virale normale, les autres jouant le rôle de sentinelle. Dans le groupe témoin, tous les animaux ont été infectés, par inoculation ou par transmission. Dans le deuxième groupe, seul un poulet directement inoculé présentait de faibles traces du virus et aucun poulet sain n’a été contaminé. Les chercheurs ont renouvelé l’expérience avec une charge virale 1 000 fois supérieure et en plaçant dans chacun des groupes des oiseaux sentinelles des 2 phénotypes. Dans le premier groupe, tous les oiseaux non modifiés ont été fortement contaminés dès le premier jour, mais aucun oiseau sentinelle génétiquement modifié n’a été contaminé par transmission. Dans l’autre groupe, cinq des dix poulets modifiés inoculés présentaient de faibles traces du virus et seul un poulet sentinelle sauvage a été contaminé. Le séquençage du virus ayant contaminé les poulets génétiquement modifiés a révélé plusieurs mutations lui ayant permis de se répliquer. Cette adaptation le rendrait également plus transmissible à l’homme.

Stratégie de sélection génomique de poulets rendus résistants au virus
Lecture : en a, changement de 3 nucléotides par la technique CRISPR-Cas dans l’exon 4 (E4) du gène ANP32A. En b, culture in vitro de cellules germinales modifiées, injectées ensuite dans des embryons mâle et femelle ; après reproduction au stade adulte, naissance d’une lignée héritant du gène ANP32A modifié.

Des tests in vitro ont démontré que la suppression des trois gènes codant pour la famille de protéines ANP32 empêche la réplication totale du virus et ses mutations adaptatives. Les auteurs travaillent actuellement sur l’identification de la combinaison de mutations préservant la fonction biologique de ces gènes, tout en bloquant leur utilisation par le virus. Signalons enfin, sur un sujet proche, un rapport de l’EFSA recensant l’utilisation en élevage des nouvelles techniques génomiques.

Jérôme Lerbourg, Centre d’études et de prospective

Source : Nature Communications

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