Évaluation des risques inhérents aux interactions entre organismes génétiquement modifiés
Dans un article paru fin avril dans la revue Environmental Sciences Europe, des chercheurs s’intéressent aux interactions potentielles entre organismes modifiés par les nouvelles techniques génomiques (NTG), en s’appuyant sur une revue de la littérature scientifique. Ils formulent ensuite des préconisations pour en limiter les risques.
Selon les auteurs, les opportunités ouvertes par les NTG (voir à ce sujet un précédent billet), par rapport aux anciennes méthodes de modification génétique ou aux processus de sélection conventionnelle, induisent de nouveaux risques. En particulier, le ciblage et la précision des modifications apportées permettent de dépasser l’organisation naturelle du génome et d’obtenir un plus large éventail de traits, aux effets sur la santé humaine et sur l’environnement non encore observés. Ces techniques présentent aussi des risques accrus de dissémination : elles sont applicables à de nombreuses espèces (végétaux, vertébrés, insectes, micro-organismes), avec une uniformisation possible des variantes d’un même gène au sein d’une population. L’autorisation pour la dissémination ou la mise sur le marché européen d’un organisme génétiquement modifié nécessite, au préalable, une évaluation au cas par cas des risques associés pour l’environnement et la santé humaine. Les interactions entre plusieurs de ces organismes partageant un même environnement peuvent aussi avoir des effets non désirés, directs ou indirects. Le manque de données sur ces interactions est souligné par les auteurs, qui appuient leur analyse sur les effets indésirables documentés pour des cultures transgéniques obtenues à partir des anciennes techniques génomiques.
Ils identifient ainsi plusieurs principes à prendre en compte pour calibrer l’évaluation des risques relatifs à ces interactions. Tout d’abord, les effets de l’interaction de plusieurs organismes modifiés sont supérieurs à la somme des effets évalués individuellement. Ensuite, la probabilité de survenue d’effets non neutres pour l’équilibre d’un écosystème augmente avec le nombre et la diversité des traits et espèces modifiés, partageant un environnement commun sur une courte période. Enfin, l’impact sur l’environnement est fonction des processus biologiques impliqués, de la persistance de ces modifications et de leurs interactions éventuelles.
Pour en diminuer les risques, les auteurs préconisent de renforcer les méthodes d’évaluation au cas par cas par des approches omiques (ensemble de disciplines visant à mieux comprendre le fonctionnement des systèmes biologiques). De plus, une phase d’observation en environnement contrôlé permettrait de tester les interactions entre organismes et de les exposer à différents facteurs de stress. Enfin, ils recommandent de restreindre l’introduction de ces organismes modifiés à ceux présentant des bénéfices avérés pour la durabilité de l’agriculture et de la production alimentaire.
Jérôme Lerbourg, Centre d’études et de prospective
Source : Environmental Sciences Europe