Scénarios climatiques et efficacité variable de l’irrigation sur les rendements en blé
Un article paru dans la revue Nature étudie l’efficacité de l’irrigation pour la production agricole. Les auteurs analysent les pertes de rendements en blé causées par la sécheresse, pour des cultures irriguées et non irriguées en Chine, selon différents scénarios climatiques. Ces recherches permettent d’évaluer la résilience de cette production, face aux déficits hydriques, et par voie de conséquence pour la sécurité alimentaire. Elles contribuent aussi à envisager une meilleure gestion de la ressource en eau.
En se fondant sur l’indice de sécheresse de Palmer (PDSI), les auteurs ont établi un scénario historique (de 1860 à 2004), puis ont projeté les sécheresses en Chine, selon trois scénarios climatiques de référence (de 2005 à 2099), en faisant varier les émissions de gaz à effet de serre (GES). À partir de 2040, l’intensité et l’étendue des sécheresses deviennent plus fortes. Tandis que la production de blé a été réduite de 15 % lors des épisodes de sécheresse sur la période historique, les pertes de rendement projetées atteignent jusqu’à 80 %, dans certaines régions, dans le scénario le plus pessimiste. D’après la comparaison des variations de rendements, entre zones irriguées et non irriguées voisines, l’irrigation atténue significativement les pertes dans tous les scénarios climatiques, sauf pour le plus pessimiste, à fortes émissions (figure ci-dessous). Alors que les rendements de blé sont jusqu’à quatre fois supérieurs dans les zones irriguées, pour les autres scénarios climatiques, le scénario pessimiste n’affiche aucune différence en conditions de sécheresse. Par ailleurs, si l’irrigation est efficace en cas de sécheresse faible, modérée ou sévère, elle a peu d’impact en cas d’épisode extrême, les différences de rendement n’excédant pas 3 %, par rapport aux zones non irriguées.
Variation des rendements de blé entre zones irriguées et non irriguées, en fonction de l’intensité de la sécheresse (a) et des scénarios climatiques (b)
Source : Nature
Lecture : les scénarios climatiques en abscisse sur la figure (b) correspondent aux scénarios climatiques de référence définis par le GIEC. Ils sont nommés RCP pour « Representative Concentration Pathways », c’est-à-dire qu’ils définissent des profils représentatifs d’évolution de concentrations de GES. RCP 2.6 correspond à un scénario à très faibles émissions ; RCP 6.0 à un scénario avec une stabilisation des émissions à un niveau moyen avant la fin du XXIe siècle ; RCP 8.5 à un scénario pessimiste, dans lequel les émissions de GES continuent d’augmenter au rythme actuel.
Les auteurs concluent que l’irrigation rend dans l’ensemble les cultures de blé plus résistantes à la variabilité climatique et qu’elle atténue les pertes de rendement. Mais elle n’est pas toujours efficace pour amoindrir les effets de la sécheresse. Son efficacité est particulièrement réduite dans un scénario climatique à fortes émissions de GES, et dans des cas de sécheresse extrême. Selon les auteurs, cela invite à repenser son rapport coût-efficacité pour améliorer la sécurité alimentaire future.
Marie Martinez, Centre d’études et de prospective