Opportunités et risques associés aux données de santé animale
Les outils numériques produisent de très nombreuses données. Celles concernant la santé des animaux, en élevage de précision comme en milieu sauvage, engendrent à la fois espoirs et difficultés. Elles offrent des opportunités pour un meilleur suivi des maladies, émergentes notamment (ex. zoonoses), mais leur qualité, leur gestion et leur sécurité soulèvent plusieurs problèmes. Des publications récentes en témoignent.
Le dernier numéro de la Revue scientifique et technique, de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), se demande quand, pourquoi et comment utiliser ces données. Deux parties traitent de leur gouvernance, en lien avec la transformation numérique des organisations. De nombreux exemples sont ensuite décrits, au fil des articles. Trois auteurs proposent ainsi de s’intéresser davantage aux données concernant les facteurs influençant les maladies (changements d’utilisation des sols, déforestation, etc.), plutôt qu’à la présence d’agents pathogènes. Pour eux, ce sont des signaux faibles permettant d’anticiper assez précisément une émergence (tableau ci-dessous). La revue se termine par une vision plus prospective, sur les applications de l’intelligence artificielle. Quatre contributeurs montrent en particulier comment les algorithmes d’apprentissage automatique (AA) autorisent l’utilisation de séries de données pour la surveillance de la santé animale. Par exemple, la méthode dite de la « forêt aléatoire » a permis de prévoir l’évolution de la diarrhée épidémique porcine, lors d’un épisode en Ontario.
Exemples de facteurs influençant l’émergence de maladies
Source : OMSA
Lecture : parmi les éléments dont la surveillance permettrait d’anticiper une émergence de maladies, on trouve le nombre et la localisation des animaux (1), les mouvements des animaux et de leurs produits (2), les changements dans l’utilisation des sols (3), le maillage des infrastructures de santé animale (4), les flux financiers (5) et les changements de politiques publiques (6).
EU : Union européenne ; FAOSTAT : base de données statistiques du Fonds alimentaire mondial ; PVS : performance des services vétérinaires ; TRACES : plateforme européenne sur les échanges intra et extracommunautaires ; WOAH : Organisation mondiale de santé animale.
De son côté, l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa) rapporte les réflexions d’un groupe de travail sur les données, révélatrices des sujets de préoccupation de l’institution : outils de partage, méthodes innovantes d’analyse, qualité des données, terminologie. Cette dernière est aussi mise en avant dans un avis de l’Académie vétérinaire de France sur les données brutes vétérinaires. Il comporte un glossaire, l’avis proprement dit et un rapport confrontant divers sujets vétérinaires aux enjeux du big data. Par exemple, il est important que l’usage des données soit bien précisé dans le contrat de soins signé avec l’éleveur.
Enfin, un article paru dans Frontiers in veterinary science présente un projet suisse d’évaluation de la santé et du bien-être des animaux d’élevage. Reposant sur des analyses de données, ce projet sur la santé connectée (Smart Animal Health) collationne les indicateurs cités par la littérature, en les classant par espèces. Le statut de différents élevages est ensuite associé à divers paramètres et normes, démontrant qu’une évaluation sur le terrain, combinée à un apprentissage automatique, permet d’améliorer les algorithmes de l’AA.
Franck Bourdy, Centre d’études et de prospective