La zootechnie au secours des élevages contaminés par le chlordécone

La plate-forme Research Square a publié en décembre 2022 les résultats d’une étude sur la contamination par le chlordécone des animaux de rente (via leur alimentation) et sur les stratégies de remédiation adaptées. Plus de 25 % de la Surface agricole utilisée des Antilles sont affectés par cette molécule. Au-delà de la Limite maximale de résidu (LMR), abaissée à 20 μg/kg en 2019, le producteur doit procéder à des opérations de décontamination de l’animal pour en commercialiser la viande.

Dans ce contexte, ce travail revêt un double intérêt. La plupart des études se concentrent en effet sur la pollution des végétaux alors que, contrairement aux animaux, le chlordécone ne peut en être éliminé. Pour être décontaminé, l’animal doit être soustrait à l’exposition pendant une période variable, en étant déplacé vers d’autres lieux. Les avancées zootechniques permettent alors aux éleveurs d’adopter les meilleures stratégies possibles, à défaut de quoi ils sont susceptibles de cesser leur activité ou d’opter pour le commerce informel.

Les chercheurs ont modélisé, pour les espèces bovine, caprine, ovine et porcine, plusieurs indicateurs : i) le taux de contamination d’un animal au début de la phase de décontamination ; ii) le nombre de jours nécessaires pour réduire de moitié la concentration de la molécule (demi-vie) ; iii) la durée requise pour que, quel que soit le taux de départ, cette concentration soit égale ou inférieure à la LMR à l’issue de la phase de décontamination. Ils considèrent trois LMR cibles : 100, 20 et 0 μg/kg (figure ci-dessous). En dépit de concentrations en chlordécone pouvant être élevées (jusqu’à 650 μg/kg), pour les bovins, la probabilité d’arriver à une décontamination est la plus forte dans tous les cas de figure : la phase de décontamination est en effet plus courte que celle de l’engraissement.

Résultats de l’atteinte des objectifs sanitaires selon la modélisationSource : Research Square

À l’opposé, cette décontamination est largement compromise pour les porcins. Dans l’hypothèse (forte) d’une concentration de 1 650 μg/kg et d’une LMR de 100, 222 jours de décontamination seraient nécessaires, soit le double de la période d’engraissement. Les calendriers économique et sanitaire sont donc incompatibles, d’autant plus si on considère une LMR inférieure.

Les ovins et caprins occupent une position intermédiaire, la décontamination des premiers étant possible pour une LMR à 20 μg, mais elle serait inenvisageable dans le cadre d’une réglementation plus restrictive.

Enfin, les chercheurs ont estimé les coûts financiers, pour l’élevage des différentes espèces, dans un environnement contaminé par le chlordécone, soulignant que le niveau de la LMR est un facteur important de variation de ces coûts (figure ci-dessous).

Coûts des techniques de production animale dans un environnement pollué par le chlordécone
Source : Research Square
Lecture : les principaux indicateurs sont la durée de l’engraissement (ligne 1), le taux de contamination de l’animal (ligne 2), la durée maximale d’une décontamination compatible avec la période d’engraissement pour une LMR de 20 μg/kg (ligne 3) et réduite à 0 (ligne 4), les coûts mensuels de la décontamination en euro et par animal pour les deux LMR (lignes 7 et 8).

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Source : Research Square

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