Quels critères de décision pour réduire le risque d’exposition des abeilles aux pesticides ?

Un article, publié en février 2023 dans Frontiers in Ecology and Evolution, identifie les critères de décision les plus pertinents à mettre en œuvre pour réduire le risque d’exposition des abeilles lors de l’utilisation de pesticides. Les auteurs se sont fondés sur une revue de littérature, ainsi que sur une analyse des conditions météorologiques et des facteurs environnementaux qui influencent la présence d’abeilles sur les cultures en fleurs.

Ils rappellent qu’en dépit de la grande diversité d’espèces (2 000 en Europe), seule l’abeille mellifère est prise en compte dans l’évaluation de la toxicité des pesticides avant leur commercialisation. Pourtant, certaines abeilles sauvages peuvent être plus sensibles à certains produits. Ils suggèrent donc que les conditions d’application des traitements tiennent compte de cette diversité spécifique. Par ailleurs, malgré les efforts réglementaires réalisés, les menaces que représentent les pesticides demeurent et peuvent se combiner avec d’autres facteurs de stress (agents pathogènes, carences nutritionnelles).

Les recherches soulignent la contamination des abeilles mellifères, mais aussi du miel, de la cire et du pollen, par plusieurs résidus de pesticides, avec parfois des concentrations élevées : cela suggère une exposition directe des animaux durant le butinage. C’est pourquoi les auteurs étudient ensuite les facteurs qui stimulent cette activité, afin d’identifier les conditions à réunir pour un épandage de pesticides lorsque le butinage est le plus faible.

Le butinage est affecté par divers facteurs comme l’ensoleillement, la période de l’année ou la température ambiante (figure ci-dessous). Pour ce dernier critère, il est difficile de déterminer un seuil protégeant toutes les espèces d’abeilles. Par ailleurs, d’autres critères comme la distance aux bordures des parcelles cultivées ne constituent pas une garantie d’absence d’exposition des animaux aux pesticides.

Abondance d’abeilles sur les plantes en fleurs en fonction de la température ambiante
Source : Frontiers in Ecology and Evolution
Lecture : les graphiques montrent l’abondance de toutes les catégories d’abeilles (A), des abeilles domestiques (B), des bourdons (C) et des abeilles sauvages autres que les bourdons (D). Les points correspondent à l’abondance et la courbe rouge illustre le résultat du modèle mathématique reliant les données d’abondance à la température (fonction polynomiale).

Pour les auteurs, la solution la plus efficace pour éviter les intoxications des abeilles résiderait dans les pulvérisations nocturnes. Pour autant, cette pratique ne protégerait pas de l’exposition aux pesticides les pollinisateurs nocturnes et les espèces nichant au sol. Elle comporterait aussi de fortes contraintes pour les agriculteurs. Les auteurs invitent les scientifiques à tester de nouvelles organisations du travail, en coopération avec les producteurs, afin de prouver la faisabilité et la durabilité de telles pratiques.

Johann Grémont, Centre d’études et de prospective

Source : Frontiers in Ecology and Evolution

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